La mise au jour
le 8 mars 2012, près de Besmé (Aisne), du moteur
et de
l’hélice du Curtiss H -75 du Lieutenant Pierre
Houzé, abattu
le 6 Juin 1940 à quelques pas seulement de l’un
des hauts
lieux de la résistance française sur l’Ailette en
1940, aurait du être un
événement. Non par la rareté des pièces trouvées, le Musée de l'aéronautique de Bétheny dans la Marne possède un moteur identique, mais parce que Houzé est un grand pilote français et que son avion s’écrase tout près du PC du 18e Régiment de Tirailleurs Algériens de la Rue de Noyon, qui poursuit le combat le 6 juin 1940. Hélas,
cette opportunité de rappeler ce que
furent les combats de juin 1940 sur l’Ailette n’a
pas été saisie. De la résistance du PC
du 18e Tirailleurs Algériens, comme de
l’hypothèse la plus sérieuse sur les
derniers instants du pilote, il n’en sera pas question. On
a préféré
exhumer en même temps que les restes de l'avion de vielles
légendes sans fondement
- améliorées pour l’occasion -
peuplées d'unités imaginaires et de
combats (1), dont
personne ne
trouve la moindre trace ni dans les archives, ni dans
les
cimetières ...
Sur la méthode, il aurait été souhaitable de faire tout d’abord état des certitudes établies*, elles ne sont pas si connues, ensuite des hypothèses raisonnées et enfin seulement, en prenant soin d’en préciser la nature exacte, des légendes sans fondement historique, qui circulent également, ... afin d'en rappeler la nature exacte. Sur le fond, ces récits brodés à souhait, ne visant qu'à passer sous silence le fait que les allemands sont tenus en échec et de surcroit par des réservistes algériens (2), n'ont plus leur place aujourd'hui dans l'évocation des combats de 1940. 18e RTA 1940
La présence de
Tirailleurs Algériens dans le secteur de l’Ailette
en 1940 passée sous silence
A
plusieurs reprises la présence de Tirailleurs
Algériens dans le secteur de l’Ailette en 1940 est
passée sous silence.
A l’issue des combats tout d’abord, les allemands,
qui ont
progressé difficilement et subi de lourdes pertes face
à
des réservistes nord-africains dépourvus de
moyens,
rendent hommages à leurs adversaires en mettant en avant le
9e
Zouaves, régiment d’active constitué
d’européens … Cet épisode
est
mentionné dans La Randonnée du 9e Zouaves du LCL
Tasse.
On répand également la rumeurs selon laquelle des unités motorisés avaient été envoyées à la rescousse dans le secteur de la Rue de Noyon, où les allemands sont repoussés jusqu’au 6 juin au soir. Ce mythe, qui sera transcrit par un aviateur dans son évocation des derniers instants du Lt Houzé, permet de ne pas mentionner la résistance de la Rue de Noyon, PC du 18e Tirailleurs Algériens renforcé par une compagnie du 17e RTA et ... deux chars FT 17 du 36e BCC. Par la suite, on ne remettra pas sérieusement en cause ces omissions jusque récemment. De manière générale, la présence des Algériens dans l'armée française est régulièrement minimisée ... Les historiens parlent de déni historique. Egalité de tous les anciens combattants Il semble pourtant exister sur le papier un consensus concernant l'égalité de tous les anciens combattants. On trouve ainsi en première page du programme d'une candidate à l'élection présidentielle de 2012, qu'on imaginerait en retrait sur ce thème, à la rubrique Autorité de l'Etat > Anciens Combattants : - Appliquer le principe d’égalité républicaine dans la reconnaissance et le traitement de tous les anciens combattants de toutes les guerres et pupilles de la Nation. Et deux lignes plus loin : - Favoriser le souvenir de l’Armée d’Afrique, qui s’est illustrée dans la libération de la France et dans la défense de l’empire afin de faire connaître à la jeunesse de France sa diversité et ses sacrifices cimentés par une fraternité d’armes. Le déni historique Le déni au sens général désigne dans différents domaines la non-considération d'une partie de la réalité. Le déni en histoire tend à écarter ce qui est considéré comme gênant, à faire comme s'il n'existait pas. L’évènement est passé sous silence. Dans le révisionnisme ou le négationnisme, qui concernent plus les génocides, massacres ou évènements de ce type, l’évènement est au contraire au centre du discours pour tenter de prouver, généralement de façon peu rigoureuse (voir méthode hypercritique), qu'il n'aurait pas existé. La version de mai 2012 - Pierre Houzé, cet (sic) héros inconnu ... Nos observations
semblent (hélas) encourager
certains à essayer
d'améliorer leur copie :
"Houzé lorsqu'il a été abattu a combattu avec les soldats du 87ième GRDI (nouvelle appelation des dragons) retranchés dans le bois du Quesnoy à environ 300 mètres ou est tombé l'avion. Des traces des munitions des armements du GRDI ont été retrouvés identifiés car différentes des unités d'infanterie. C'est au cours d'une sortie en force du GRDI pour un repli sur la ligne Weygand que Houzé sera abattu et entérré à Besmé non loin du bois." Lire ici également Des morceaux d'un
avion de chasse déterrés | France 3 Picardie
: Un avion de guerre sorti de terre
La fiction reprise, dans le reportage de
France 3
Picardie notamment, par Juliens Bauwens de l'association
« Le
Patrimoine de Saint-Paul-aux-Bois », est
issue du récit entièrement imaginaire de
Jean Gisclon, recopié par Jean Hallade entre autres.
Elle ne repose sur aucun témoin, fait ou archive. Le principal reproche qui peut être fait à ceux qui recopient aujourd'hui encore ou améliorent les fictions de Jean Gisclon, est de méconnaître la simple réalité des combats sur l'Ailette. La question en ce printemps 2012 serait de savoir pourquoi. Il y a ensuite, pour ceux qui prétendent faire œuvre d'historien, un problème de méthode. Rien chez Gisclon ne correspond aux archives et vice versa. Malgré les détails donnés, l'absence totale de source de ces récits interpelle. Message adressé
à la rédaction de France 3 Picardie suite
à la
diffusion de ce reportage
Une réalité bien plus glorieuse que le mythe Monsieur le Directeur, Vous avez diffusé début mars 2012 un reportage consacré à la sortie de terre de morceaux d'un avion de chasse abattu en 1940. Cette découverte n’a hélas pas fait avancer l’histoire bien au contraire, dans la mesure où le ''témoignage'' recueilli auprès d'un jeune lycéen à cette occasion s'avère à l'examen ... nécessiter a minima un indispensable complément d’information. Les détails, lieu, personnage, ne sont en effet confirmés par aucune source, ils ont été imaginés dans ses mémoires par un ancien pilote, Jean Gisclon, puis recopiés à plusieurs reprises sans la moindre vérification. Sur le fond, il doit être noté que ce récit imaginaire, repose lui-même sur un mythe selon lequel des unités motorisées françaises, des dragons, auraient été envoyées en renfort sur l'Ailette face à la 72. Infanterie Division, in(ter)vention qui permet à son chef le Général Mattenklott, d'expliquer pourquoi ses troupes sont tenues en echec deux jours durant à La Rue de Noyon devant Blerancourt. Nul n'a bien sûr jamais trouvé la moindre trace de ces dragons dans les archives, ni dans les cimetières, ... car la réalité est toute autre. C'est un pauvre régiment de réservistes algériens, le 18e RTA, qui tient tête aux allemands les 5 et 6 juin 1940 à un contre trois. Le régiment sortira aux deux-tiers anéanti de ce combat héroïque, pour lequel la reconnaissance est bien rare. Une réalité bien plus glorieuse que le mythe donc, que le devoir de mémoire, notamment, impose de rétablir. Demeurant pour ce faire a votre disposition.
-> Ce reportage n'est aujourd'hui plus en ligne ...
La mémoire
sélective des combats de 1940
Toute une génération a voulu oublier les combats de 1940 pour diverses raisons. Et même chez ceux qui s'y intéresseront, la mémoire est parfois sélective. Nous avons sur une commune baignée par l'Ailette, un illustre amateur d'histoire locale, qui n'a écrit, en près d'une vingtaine de livres, pas un seul mot sur les Tirailleurs Algériens qui combattent au bout de sa rue en mai-juin 1940 !
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Le
lieutenant Houzé et la mémoire des combats de 1940 sur l'Ailette L'épisode
de la mort du lieutenant Pierre Houzé,
pilote de l'Escadrille
des Cigognes du GC II/5,
abattu le 6 juin 1940 dans le
sous-secteur du 18e Régiment de Tirailleurs
Algériens de la 87e Division d'Infanterie
d'Afrique, a
refait surface en même temps
que les restes de son avion retrouvés il y a peu
près de Besmé (Aisne). Ce regain
d'intérêt n'a hélas pas fait avancer
l'histoire pour l'instant bien au contraire. En effet,
la fiction romancée, et contredite par
toutes les archives, des derniers
instants de ce grand
aviateur a malheureusement été une nouvelle fois
reprise
à cette occasion. Ce récit,
dénué de tout fondement historique, est en outre
tout
à fait préjudiciable à la
mémoire des combats de 1940 sur l'Ailette,
mémoire patiemment reconstruite depuis quelques
années par les historiens.
En l'absence de témoin direct connu (information confirmée à et par l'épouse du pilote), les derniers instants du lieutenant Houzé restent à ce jour un mystère. Les archives militaires et civiles indiquent qu'il est "Mort pour la France le 6 juin 1940 à Besmé". En 1965 cependant, 25 ans après les faits, dans "Le Cinquième Quart d'Heure", Jean Gisclon (1913-2009), sergent-chef en 1940 dans l'Escadrille des Cigognes de Houzé, produit une fiction très détaillée (p. 135). Le pilote rejoint un groupe d'hommes "embusqués parmi les arbustes et les taillis, vingt-cinq ou trente tout au plus." Accueilli par un jeune lieutenant, Houzé refuse d'être envoyé à l'arrière. Puis la troupe doit se replier devant une attaque imminente ... C'est au moment du repli que le lieutenant Houzé est tué : "La balle qui le frappa en plein front l'étendit pour toujours". L'auteur améliore son récit dans "La Grande Aventure de la Chasse Française" en 1983 (p. 198). Le lieutenant est un officier de dragons, Houzé est cette fois grièvement blessé et transporté dans une grange de Besmé où il expire deux heures plus tard. "Le soir même, les allemands s'emparaient du village et enterraient l'aviateur". Un témoin apparaît : "Un survivant de cette section [sic] en rapporta tous les détails bien après la guerre". Malheureusement, aucun nom n'est livré (témoin, unité, protagonistes, ...) rendant ce récit invérifiable et surtout de nombreuses contradictions sérieuses existent avec les archives notamment : aucune unité de dragons n'est mentionnée dans le secteur de la 87e Division d'Infanterie d'Afrique, où se trouve Besmé, aucun peloton moto du GRDIA 87 vers Besmé le 6 juin après-midi non plus, le village a été pris par les allemands dans la nuit du 5 au 6 juin, ... Cette fiction est pourtant régulièrement recopiée depuis : "Chasseurs En Vue, On Attaque !" en 1992 d'André-Armand Legrand, pilote en 1940 (p. 38), "Dans Le Ciel en Feu", Jean Hallade en 1999 (p. 207), etc. L'hypothèse la plus sérieuse, en l'absence de témoin connu, est celle formulée par l’un de ses supérieurs, le commandant Hugues : Houzé avait annoncé qu’il ne serait jamais prisonnier. Ayant atteint le sol, il refuse de se rendre aux allemands et est abattu. Cette version publiée dès 1942 dans "Carnets de Patrouilles" (p. 162) par Roland Tessier, aviateur en 1940, constitue en quelque sorte la version officielle. Elle est notamment reprise par l'École de l'Air lorsque le lieutenant Houzé fut parrain de la Promotion en 1960 et plus cohérente avec le déroulement des combats sur l'Ailette. Elle correspond par ailleurs au déroulement des combats : Besmé tenu par les allemands qui poussent direction sud-ouest vers Camelin-Le Fresne. Pas de combat à l’est de Besmé autre que la tentative du Capitaine Besnier de la 5e Compagnie du 17e RTA depuis la Rue de Noyon l’après-midi du 6 juin. Les historiens ont en effet extrait des cartons des archives militaires les combats oubliés des Tirailleurs Algériens du 18e Régiment sur l'Ailette en mai-juin 1940. Il est établi que ces hommes ont été sacrifiés sur place : les ordres étaient de mourir à son poste, sans unité en soutien, comme partout ailleurs sur la "ligne Weygand", et ces braves venus pour la plupart d'Algérie ont rempli leur devoir jusqu'au bout face à l'envahisseur allemand. Faire état dans ces circonstances de la présence de dragons (alors qu'aucun renfort n'était disponible), de mission retardatrice (alors que les ordres étaient de mourir sur place), on est dans le déni de ce qui à été autour de Besmé en juin 1940, ce qui est préjudiciable à la mémoire de ces combats qui se construit peu à peu. Les historiens ne sont désormais plus seuls, les familles de ces combattants français et algériens, retrouvées grâce à ce travail patient, comme les habitants du village de Besmé, notamment, qui ne savaient presque rien de ces combats il y a peu, défendent désormais leur mémoire retrouvée au côté des historiens. On se souvient en effet que l'épouse du pilote a toujours fait état, même après les publications de Gisclon de l'absence de témoin direct connu des derniers instants du lieutenant Houzé. >>>
Voir l'article sur l'Aéroforum, Histoire de l'Aviation
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Insigne de la 4e Escadrille du GC II/5 (tradition SPA167)
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