18e RTA 1940 Lieutenant Pierre Houzé GC II/5 |
Mort pour la
France le 6 juin 1940
à Besmé sous-secteur du 18e Régiment de Tirailleurs Algériens au cours de la Bataille de l'Ailette 1940 Insigne de la 4e Escadrille du GC II/5 (tradition SPA167) Besmé 1940 | De l'Histoire à la fiction | 18e RTA 1940 |
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Le
Curtiss H 75 du Lieutenant Pierre Houzé (GC II/5) est abattu le 6
juin
1940 derrière le PC du 18e Régiment de
Tirailleurs
Algériens, qui résiste
héroïquement
sur l'Ailette (Aisne) les 5 et 6 juin 1940
à la Rue de Noyon.
Nombre d’ouvrages et d’articles occultent ces combats en reprenant, souvent sans le savoir, une fiction très romancée des derniers instants de ce grand pilote, fiction apparue sous la plume d'un ancien pilote devenu journaliste, Jean Gisclon, qui rapporte un témoignage anonyme ... peu crédible à l'examen. La défense de la mémoire du Lieutenant Houzé et de la Bataille de l’Ailette 1940 impose donc de mettre en avant la simple réalité, bien plus glorieuse, des combats, telle que livrée par les archives, semble-t-il rarement consultées, et d'insister sur la nature de ces fictions dépourvues de valeur historique et sur les conséquences de leurs recopiages. |
Insigne
de l'École Militaire de l'Air
Notes
- Le GC II/5 (Cdt Hugues) est constituée en 1939-40 d'un état-major et de deux escadrilles : la 3e Escadrille des "Sioux" ou Escadrille Lafayette (Cne Monraisse), reprenant les traditions de l'escadrilles N 124 de la Grande Guerre, et de la 4e Escadrille des "Canards" (Cne Reyné puis Lt Huvet), reprenant les traditions de l'escadrille SPA 167. Stationné sur la base de Reims, le groupe fait mouvement dès le 28 aout 1939 sur le terrain de Toul-Croix-de-Metz. A la déclaration de guerre du 3 septembre 1939, le GC II/5 est placé sous les ordres du Groupement de Chasse 22 de la Zone d'Opérations Aériennes Est (Z.O.A.E.), QG de Zone à Nancy, Gal Bouscat, Groupement de Chasse 22, Forces Aériennes 103 (F.A. 103) Gal de Boysson de la 3e Armée du Gal Conde au 10 mai 1940. - Le 6 novembre 1939, trois patrouilles (9 Curtiss) des 3e et 4e escadrilles aux ordres du lieutenant Houzé décollent vers 14 heures 30 : sergent-chef de Montgolfier, sergent Bouhy, aspirant Le Fol, sergent-chef Legrand, sergent Audrain, adjudant Goujon, sergent-chef Trémollet et sergent Salès. - A partir de mars 1939, le GC II/5 est le second groupe de l'Armée de l'Air à percevoir des Curtiss H-75. Le Curtiss H 75A-2 possède une cellule et une hélice fournies par Curtiss, un moteur Pratt & Whitney (R-1830 SC3G de 1 200 ch), 6 mitrailleuses de 7.5 mm FN-Browning Belgique, des instruments de vol, collimateur et siège fournis par des fabricants français. Il est assemblé dans l'usine de la SNCA du Centre à Bourges. Sa Puissance au décollage est de 1 200 ch et la vitesse à 4000 m de 500 km/h. 9 GC sont équipés de Curtiss H 75 début juin 1940. Ces appareils étaient très appréciés par les pilotes. - Pendant la drôle de guerre, les pilotes du GC II/5 remportent 16 victoires sûres et 10 probables. Le 10 mai 1940, compte 26 Curtiss H-75 dont 14 dsiponibles pour 30 pilotes (22 Curtiss au 5 juin dont 17 disponibles). Jusqu'au 20 juin 1940, date du transfert à Alger-Maison-Blanche, le groupe va remporter 32 victoires sûres et 13 probables, soit un total pour la campagne de 1939-40, de 48 victoires sûres et 23 probables. - Sur 800 pilotes français engagés dans les combats, près de 200 seront tués, 188 blessés et 31 faits prisonniers. Quelques 1 000 avions allemands sont abattus par les Français entre septembre 1939 et juin 1940. Chemins de Mémoire (Ministère de la Défense - SGA / DMPA) 04-10 n° 204. - Un équipage de 4 hommes a également trouvé la mort dans le secteur de la 87e DIA, celui d'un Léo 45 du GB I/12 qui s'écrase le 20 mai 1940 au sud de Guny, tenu par le 9e Zouaves. |
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6 juin 1940, le
Groupe de Chasse II/5 est détaché
en appui du Groupement de Chasse n°23. Le GC II/5
est stationné depuis la fin août 1939 sur
l’aérodrome militaire de Toul - Croix-de-Metz,
Meurthe-et-Moselle, situé à 3 km au
nord-est de Toul en bordure est de la RN 411.
Carte extraite
des Grandes Unités Françaises
Dans la matinée, les 15 Curtiss disponibles du Groupe rejoignent une nouvelle fois le terrain de Connantre - Sainte-Sophie, Marne (« plate-forme d'opérations » à 2 km au nord-ouest de Connantre), à 160 km à l’ouest de Toul. Patrouille triple
(9 Curtiss) :
LTN Huvet, SLT
Angiolini, SGT Hème
SLT Ruchoux, ADJ Lachaux, SGC Chabéra LTN Houzé, SGC Janéba, SGC Quéguiner Patrouille double
(6 Curtiss) :
CNE Destaillac, LTN
Dunod, ADC Delannoy
SLT Trémolet, SGC Hanzlicek, SGT Audrain A midi, les 15 Curtiss décollent de Connantre pour une mission de protection de bombardement entre Noyon et Coucy-le-Château (120 km de Connantre) de dix Martin 167F des Groupes de Bombardement II/62 et II/63, envoyés bombarder les éléments de l’armée allemande repérés en lisière de la forêt de Coucy (GB II/62) et les ponts de l’Ailette (GB II/63). Le dispositif de chasse est complété d’une patrouille triple de Bloch (MB-)152 du GC II/9. Sur le secteur, la patrouille triple du LTN Huvet est attaquée (vers 13 heures ?) par des Bf 109 notamment de la 2./JG 2 de l’Oblt Greisert. D’autres Bf 109 se mêlent au combat qui va durer plus de 20 minutes. Le Curtiss n°127 du SGT Hème est tiré dans ses arrières par un 109. Malgré des éclats dans la jambe et son appareil, en piteux état, il parviendra à rentrer à Connantre. Le n°52 du SGC Hanzlicek rentrera également endommagé. Le n°54 du SGC Janéba, aux prises avec plusieurs adversaires, a également été touché. Sérieusement endommagé, le pilote tchèque a dû se poser train rentré près de Missy-sur-Aisne, tout près des lignes, dans le secteur de la 7e DI, échappant de peu aux allemands. Ce ne sera malheureusement pas le cas du LTN Houzé, dont le n°197, est abattu par des 109. Le SLT Ruchoux a bien vu un parachute. Le pilote a sauté au-dessus de Besmé et s‘est posé tout près des lignes mais aucune nouvelle de lui n’arrive les jours suivants. Au cours de ce violent engagement, le SGC Quéguiner est parvenu à descendre un ennemi, dont il observe la chute au nord de la Forêt de Saint-Gobain. Les pilotes de la 2./JG 2 revendiquent de leur côté cinq victoires : - 13 h10 : Fw.
Hermes, Hawk 75 A
- Ofw. Rudorfer, Hawk 75 - 13 H 12 : Lnt. Hoffmann, Bloch 151 - 13 H 15 : Oblt. Greisert, Hawk 75 - Fw. Wilhelm Hermes, Bloch 151 L’historique du GC II/9 ne fait pas mention d’un combat entre les MB-152 et les Bf 109. Il y a donc tout lieu de penser que les MB-151 revendiqués sont une erreur d’identification de la part des pilotes allemands. Un MB-152 du GC II/9 est abattu et s’écrase près de Laon, vers 12 h 30, mais il semble avoir été victime de la Flak, lors d’une poursuite à l’issue de la mission. Quant aux H-75, même si on attribue parfois la perte du LTN Houzé au Fw. Hermes, sans préciser s’il s’agit de sa première ou seconde revendication de la journée, il reste impossible à vérifier s’il a pu abattre Houzé. Il semble également que la revendication de l’Ofw. Rudorfer n’a pas été homologuée, elle n’est pas reprise dans l’historique de la Jagdgeschwader 2 de Mombeeck et Roba. On notera enfin que le Lnt. Hoffmann, abattu (peut-être par le SGC Quéguiner) et porté disparu ce jour-là, se voit attribuer une huitième et dernière victoire mais probablement à titre honorifique ... Merci
à Romain Lebourg
Le déroulement des combats autour de Besmé le 6 juin 1940 Houzé
atteint le sol en tout début d'après-midi
près de Besmé à deux
pas du PC du 18e RTA, qui résiste devant
Blérancourt.
Le 5 juin 1940 dans l'après-midi, St-Paul-aux-Bois, à droite, tenu par le Ier Bataillon du 18e Régiment de Tirailleurs Algériens, puis Manicamp, à gauche, tenu par le IIIe Bataillon sont tombés, respectivement vers 14 et 15 heures. Une heure plus tard la Ferme Favette et plus tard la Ferme Neuve, tenues par la 2e Compagnie du Ier Bataillon, sont prises par le 266. IR de la 72. ID. Le PC du Régiment à la Rue de Noyon, en arrière de ces fermes, est attaqué par l'ennemi dès 17 heures. Besmé est tenu jusque dans la nuit du 5 au 6 juin par la Section Tardy de la 7e Compagnie du IIe Bataillon, 30 hommes tout au plus. Cernée par l'ennemi, qui occupe la partie nord de Besmé dès 23 heures, la Section doit effectuer plusieurs replis successifs dans le village totalement pris vers 1 heure 30. L'avance allemande se poursuit le lendemain vers Camelin-Le Fresne. Le 6 juin 1940 vers 8 heures du matin, la 5e Compagnie du Capitaine Besnier du 17e RTA appuyée par 2 chars FT lance une contre-attaque de la Rue de Noyon en direction de la Ferme Favette, repousse l'ennemi et capture 16 allemands dont un officier. L'après-midi, une tentative du Capitaine Besnier en direction de Besmé ne peut déboucher de la Rue de Noyon. L'avion de Houzé s'écrase à deux pas en arrière du PC de la Rue de Noyon, qui tient toujours. Mais à l'entrée est de Besmé, où l'on retrouvera son corps sommairement enterré, le pilote tombe sur les allemands (266. IR de la 72. ID venant de la ferme Favette). L'attaque allemande reprend avec violence vers 17 heures sur la Rue de Noyon. L'ordre de repli arrive à 18 heures et le mouvement des Tirailleurs vers Blérancourt commence vers 22 heures. Dans son historique sur le "Rôle de la défense du Centre de Résistance de la Rue de Noyon les 5 et 6 juin 1940", le Capitaine Goiffon, du PC du Lt-Col Clerc, indique que cette glorieuse défense a permis de maintenir un couloir entre Besmé et St-Paul-aux-Bois devant Blérancourt. D'après
"Mourir sur
place, le Ier Bataillon du 18e RTA sur l'Ailette en mai-juin 1940"
Le corps du
Lieutenant Houzé retrouvé en 1941
Le corps du Lieutenant Houzé est retrouvé en 1941, sommairement enterré dans un jardin à l'entrée est de Besmé, côté Rue de Noyon et les débris de son appareil non loin de là. La Rue de Noyon se situe à moins de 2.000 mètres à l'est de Besmé et à 1.500 mètres à peine à l'ouest du centre de Saint-Paul-Aux-Bois. Lorsque Houzé atteint le sol dans l'après-midi du 6 juin 1940, Besmé a été pris dans la nuit par les allemands (266. IR de la 72. ID) qui poursuivent vers Camelin-Le Fresne. Saint-Paul-Aux-Bois a été pris le 5 en début d'après-midi (124. IR de la 72. ID). Le principal point de résistance est la Rue de Noyon, PC du 18e RTA, défendu par la 5e Cie du Capitaine Besnier du 17e RTA appelée en renfort. La contre-attaque française du matin a stoppé la progression allemande devant la Rue de Noyon mais l'après-midi la tentative du Capitaine Besnier de la Rue de Noyon en direction de Besmé ne débouche pas. S'il atteint le sol près de Besmé, côté Rue de Noyon, où l'on retrouvera son corps, Houzé a pu comme Besnier tomber sur une patrouille allemande. L'un pu se replier sur la Rue de Noyon l'autre pas. Le témoignage du Sergent-Chef Angiolini, qui identifie le corps du Lieutenant Houzé début 1941, peut avoir été porté à la connaissance du Commandant Hugues lorsqu'il émet son hypothèse, qui coïncide avec les faits et n'a jamais été sérieusement remise en cause depuis. Après avoir été exhumé du jardin où il avait été sommairement enterré à l'issue des combats, le Lieutenant Houzé est inhumé début 1941 au pied du Monument aux Morts de Besmé, où il repose aujourd'hui. |
De l'Histoire à la fiction Une fable pour illustrer une vérité : Les
pilotes français se sont battus en 1940
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La mort du Lieutenant
Houzé le 6 juin 1940 a permis, en l’absence de témoin direct
connu à ce jour, de laisser libre cours à l'imagination.
On connait ainsi, au-delà de
l’hypothèse la plus sérieuse du
commandant Hugues, publiée dès 1942, plusieurs
fictions mettant en scène les
évènements qui se seraient
déroulés après que le pilote, abattu
en combat aérien s’est parachuté et a
atteint le sol au milieu des combats qui font rage dans le
sous-secteur du 18e Régiment de Tirailleurs
Algériens. Il semble donc
intéressant d'essayer de distinguer ce qui appartient
à l'histoire dans
ces
différents récits.
Il n'est pas inutile de rappeler tout d'abord que l'histoire est un travail de reconstitution du passé à partir des traces qu'il nous a laissées, l'étymologie du mot "histoire" renvoie au grec historein "découvrir en enquêtant"... |
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On trouve un premier récit des derniers instants du Lieutenant Houzé dans Carnets de Patrouilles de Roland Tessier. L'auteur était aviateur en 1939-1940 et après avoir publié en 1941 dans Le Bar de l'Escadrille ses souvenirs personnels, il publie en 1942 dans Carnets de Patrouilles les souvenirs de ses camarades "les pilotes et les équipages d'escadrilles ayant lutté héroïquement dans le ciel, en mai et juin 1940". Il indique que sa "documentation a été puisée à des sources officielles" et mentionne les "Carnets de Marche" des différentes escadrilles : "Pas un nom n'a été changé, qu'il s'agisse du nom d'un homme ou d'un lieu. C'est de l'Histoire." L'ultime combat du Lieutenant Houzé, le 6 juin 1940, figure dans cette première publication (p. 119). La patrouille est accrochée dans l'après-midi par des Messerschmidt le sergent Hème est blessé, mais parviendra à rentrer, le sergent-chef Janeba se fait descendre, il se pose sur le ventre et rejoint les lignes françaises, le sergent-chef Quéguiner abbat un Messerschmidt. La patrouille rentre mais toute la soirée, on attend le lieutenant Houzé. Certains disent l'avoir vu sauter en parachute dans le lignes ennemies ... Pour ce qui est de la suite, ce n'est qu'avant de clore l'histoire du GC II/5 que Tessier rapporte une conversation postérieure aux combats avec le commandant Hugues, chef du IIe Groupe de Chasse concernant "la disparition du lieutenant Houzé, descendu en combat aérien le 6 juin 1940 et dont le Groupe resta de longs jours, de longues semaines sans nouvelles..." (p. 162) : "- Houzé, voyant son avion touché à mort par une rafale allemande, sauta en parachute et, malheureusement, atterrit entre les lignes... Houzé m'avait dit quelques jours avant sa chute, qu'il ne serait jamais prisonnier : il préférait la mort." Le commandant Hugues explique qu'il essaya de faire entendre raison à Houzé, en vain. "Le jour où il atterrit en parachute entre les lignes, une patrouille de fantassins allemands s'avança vers lui. Plutôt que de se laisser faire prisonnier, Houzé sortit son revolver, tira sur les allemands qui ripostèrent. Et ce qui devait arriver arriva : Houzé fut tué..." Ce premier récit s'inscrit dans un raisonnement qui conduit le commandant Hugues à une conclusion : "Et ce qui devait arriver arriva : Houzé fut tué..." Il s'agit donc plutôt d'une hypothèse. Si il s'agit d'un témoignage, Hugues ne dit pas de qui il le tient. Toutefois, cette hypothèse, postérieure à la découverte du corps du pilote en 1941, repose sur plusieurs éléments objectifs : témoignages directs de ses camarades de patrouille sur l’ouverture d’un parachute, la personnalité de l’intéressé, … Elle correspond également au déroulement des combats au sol : Besmé aux mains des allemands, ... Cette hypothèse raisonnée et réaliste constitue dès lors l'hypothèse officielle, reprise notamment en 1960 dans la présentation, faite par l'École Militaire de l'Air, du Lieutenant Houzé parrain de la Promo 1960. _______________
Un deuxième récit apparait en 1965, 25 ans après les faits, dans Le Cinquième Quart d'Heure de Jean Gisclon, sergent-chef en 1940 dans l'Escadrille des Cigognes de Houzé. Devenu journaliste en 1960, Gisclon utilise des souvenirs de pilotes de l'Escadrille des Cigognes mais aussi des courriers de ses lecteurs du Parisien, qui n'hésitaient pas parfois "à en rajouter" ... L'ouvrage ne présente aucun nom de témoin, aucune source, aucune référence, ce qui laisse d'emblée quelques doutes sur sa nature exacte. Dans la version dinitiale éjà très détaillée de 1965 (p. 135 et s.), Houzé rejoint un groupe d'hommes "embusqués parmi les arbustes et les taillis, vingt-cinq ou trente tout au plus." Accueilli par un jeune lieutenant, Houzé refuse d'être envoyé à l'arrière. "Nous avons nos engins motos et side-cars dans le petit bois derrière nous." La troupe doit se replier devant une attaque imminente ... Gisclon situe la scène à trois kilomètres de Besmé. "L'Aisne est après quelque part en arrière. Nous serons chez nous." Ce qui situe l'action au nord de Besmé. C'est au moment du repli que le conducteur de la moto sur laquelle Houzé a pris place en croupe, "un grand diable de sergent", s'affaisse sur sa machine, Houzé tombe, il se relève "La balle qui le frappa en plein front l'étendit pour toujours. Les allemands l'enterrèrent près du village." Aucune source, aucune unité, aucun nom de personnage n'est précisé, rendant ainsi le récit invérifiable. Jean Gisclon améliore sa première version de 1965 dans La Grande Aventure de la Chasse Française en 1983 (p. 198). Le lieutenant est un officier de dragons, Besmé "est tenu par nous". Houzé est cette fois grièvement blessé et transporté dans une grange de Besmé où il expire deux heures plus tard. "Le soir même, les allemands s'emparaient du village et enterraient l'aviateur". Un témoin apparaît : "Un survivant de cette section en rapporta tous les détails bien après la guerre". Hélas, toujours aucune source, aucun nom et toujours des contradictions sérieuses avec les archives (voir ci-dessous). Au moins ce témoin nous livre-t-il un précieux éclairage sur les motivations de l'auteur ayant imaginé ce conte : "... nous combattants au sol qui maudissions, à tort, ... ces aviateurs que nous ne voyions jamais ..." Houzé accepta de partager [notre] sort". _______________
Dans Chasseurs En Vue, On Attaque !, en 1992, André-Armand Legrand, Sergent pilote à la 3e Escadrille des Sioux en 1940, indique livrer "une poignée de souvenirs par ordre chronologique". C'est dans le récit de la journée du 6 novembre 1939 (p. 38) qu'est inséré un portrait du Lieutenant Houzé et de ses derniers instants tirés de la première version de Gisclon, sans indiquer cette source, ni aucune autre. En 1999, l'écrivain Jean Hallade, Dans Le Ciel en Feu, consacre un chapitre; "Un chevalier du ciel" au Lieutenant Houzé dans lequel il reprend la fiction de 1983 de Gisclon (p. 207 s.) |
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L'auteur ne révèle
toujours aucun
nom, unité, source, référence
ou bibliographie et
là aussi d'importantes contradictions avec les
faits.
Pareillement, une version de l'inhumation de Houzé par les allemands et de la découverte de sa tombe au monument aux Morts de Besmé !, en contradictions totale avec la réalité, achève de faire passer les allemands pour des combattants courageux et des vainqueurs très corrects, comme ces derniers s'employaient à le faire croire 60 ans plus tôt ! La fiction
imaginée par Gisclon en 1965 est une nouvelle
fois recopiée en 2007 dans Les
Ailes de 1940,
de Patrick Gmeline, ... aucune
source n'est précisée.
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On
peut donc
noter
que les récits qui se succèdent
depuis la
mort au
combat du Lieutenant Houzé, sont d'une part une
hypothèse réaliste
sourcée
et d'autre part des fictions peu vraisemblables, améliorées
au fil du temps, se
contredisant
elles-mêmes, dont nul ne connait l'origine exacte. En dehors des
Carnets de Patrouilles de Tessier, aucun récit ne
présentant à l'examen un
caractère historique, ni
sur
la méthode en l'absence de source
vérifiable (aucun témoin
identifié), ni sur le
fond largement contredit par les
archives ...
Ces fictions romancées ont pourtant été maintes fois reprises sur la seule bonne foi de son auteur initial, jamais cité par ses transcripteurs ! Or Gisclon, qui ne semble jamais être venu à Besmé, ne mentionne qu'un mystérieux survivant anonyme d'une "section" de cavalerie, unité que personne ne parvient à identifier. Mais Legrand, Hallade, Gméline, et d'autres ... reprennent cette fable ("Une morale nue apporte de l’ennui, Le conte fait passer le précepte avec lui"...), sans mentionner leur source, sans la moindre précaution, et surtout sans la moindre enquête. Rien ne résulte donc à l'évidence dans ces reprises successives, concernant Houzé, de recherches historiques sérieuses. Il semble donc souhaitable d'en indiquer clairement l'origine et la nature lorqu'on mentionne ces fictions romancées. Il n'existe donc en réalité aucune difficulté sérieuse sur la nature exacte des différents récits ci-dessus qui n'ont à l'évidence guère de valeur ; seule l'hypothèse réaliste du Cdt Hugues présente un caractère historique. Il y a toutefois une véritable difficulté quand la fiction, l'histoire comme on aurait souhaité qu'elle fût mais qui n'a pas été, est présentée en lieu et place de ce qui a été : Le 6 juin 1940, de durs combats se déroulaient sur l'Ailette ... __________ Le site Ciel de Gloire de Laurent Parra, qui n'est plus mis à jour depuis 2010, semble être un des derniers à présenter, sans en préciser la nature, la version anonyme rapportée et romancée par Jean Gisclon, reprise par André-Armand Legrand, Jean Hallade ou Patrick de Gmeline, qui n'ont pas fait leur travail. Aucune source n'est mentionnée. La date de naissance du pilote y est également erronée.
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Les quarts
d'heure de trop
A propos des "souvenirs" de J. Gisclon Les fictions très détaillées des derniers instants du lieutenant Houzé de Gisclon de 1965 et 1983 sont des plus contestables au plan historique. On peut tout d'abord se demander si il n'y a pas une confusion avec l'aventure du sergent-chef Janeba, dans les "souvenirs" et "témoignages" recueillis par Gisclon. Janeba a été également abattu le 6 juin 1940 au cours de la même mission et rejoint les lignes françaises ... Outre qu'on ne trouve pas un seul nom (témoin, protagoniste, unité, ...) et jamais aucune source dans ces récits, on relève de très nombreuses contradictions avec les archives. Nous ne trouvons tout d'abord dans les archives militaires (87e, 11e DI, ...) aucune unité de dragons en juin 1940 dans le secteur de la 87e Division d'Infanterie d'Afrique, où se trouve Besmé et ses environs. La cavalerie de la division, le 87e GRDIA, n'a aucune "section" (on dit peloton dans la cavalerie) moto envoyée vers Besmé dans son journal : Le 6, l'escadron moto du GRDIA est engagé sur les arrières de la division à au moins 10 km de Besmé vers Vassens, Nampcel (9 km), plateau de Nouvion-Vingré. Le "sergent" (on dit maréchal des logis dans la cavalerie) tué ne figure pas non plus dans les relevés des Morts pour la France. Resterait la section d'éclaireurs moto de la Compagnie de Commandement des unités de la 87e DIA en charge du secteur (18e RTA, 87e RA, ...). En théore 1 officier sur side-car et 2 groupes de 2 escouades à 4 éclaireurs sur moto solo, 26 hommes au total. Ces sections existaient-elles sur l'Ailette ? les motos sont en réalité alors fort rares. Elles seraient envoyées de la Rue de Noyon, PC des 18e RTA et 87e RA tout au plus pour récupérer le pilote. Aucune trace dans les archives là encore. Au contraire, on a vu que la tentative à pied du Capitaine Besnier (5e Cie du 17e RTA), le 6 juin après-midi, de la Rue de Noyon en direction de Besmé ne débouche pas. Des incohérences avec le déroulement des combats, les lieux, ... apparaissent donc également. Aucun renfort n'était envoyé ce 6 juin 1940 près de Besmé et de mission retardatrice il n'était guère question : les ordres étaient de mourir sur place ! Par ailleurs, à trois kilomètres de Besmé avec l'Aisne derrière le village, on serait au nord du côté de Manicamp - Quierzy, aux mains des allemands depuis la veille. A l'est, Saint-Paul-aux-Bois a été également pris la veille. Enfin, Besmé est tombé dans la nuit du 5 au 6 juin et nous ne trouvons nulle part que ces villages auraient été repris par la contre-attaque du 6 au matin. Besmé n'est donc pas "à nous" et la scène imaginée de toutes pièces semble donc à l'examen peu crédible. La courte hypothèse originale du Cdt Hugues est ici bien plus cohérente avec Besmé aux mains des allemands : "Le jour où il atterrit en parachute entre les lignes, une patrouille de fantassins allemands s'avança vers lui ..." Pour ce qui est des lieux décrits, nous n'observons pas non plus sur place la "crête de Besmé" dont parle Gisclon ... Le plateau à l'est de Besmé (en direction des arbres au nord du Bois du Quenoy), dans le prolongement du chemin, aujourd'hui rue du lieutenant Houzé, où on retrouvera son corps, correspond plus à la difficulté de s'abriter, qui entraine la mort rapide du pilote. L'histoire en fumée A propos de la version de J. Hallade, Dans le Ciel en Feu, de l'inhumation de Houzé par les allemands et de la découverte de sa tombe au pied du monument aux Morts de Besmé Le lieutenant Houzé n'a pas été enterré au pied du monument par les allemands à l'issue des combats de 1940 comme l'indique Hallade (Dans le Ciel en Feu, p. 216). C'est sommairement enterré à l'entrée de Besmé, côté est, dans un jardin sous un "métro", un abri de 14-18, qu'on retrouvera le corps de l'aviateur, non loin de son avion (1.000 à 1.500 mètres) et ce quelques mois plus tard. Les circonstances ainsi que la date de la découverte du corps dans le récit de Hallade, Le souvenir, sont donc en contradiction avec les archives civiles cette fois, les registres de l'État-Civil, qui concordent avec tous les témoignages. Il existe en effet un acte d'exhumation de début 1941, après la découverte du corps (actuelle rue du Lieutenant Houzé à Besmé) et son identification préalables à son transfert à quelques mètres de là au monument aux Morts, qui date donc de 1941 et pas avant. Enfin, tous les actes civils et militaires constatant le décès de l'aviateur sont de 1941, ce qui correspond avec "la disparition du lieutenant Houzé, descendu en combat aérien le 6 juin 1940 et dont le Groupe resta de longs jours, de longues semaines sans nouvelles...", ce dont faisait état Roland Tessier ... en 1942.
Sources - Dossier individuel, SHD Vincennes DE 2011 2 L 235457 (PP00278H), SGADéfense AI-3D302/1-263 (Armée de l'Air) et AC-21P-51571 (BAVCC de Caen) - Registres de l'Etat-Civil de Paris 11e, Besmé et Versailles. - Journal de Marche et opérations 39-40 de la 4e Escadrille SPA 167 (Bureau des Archives et des Réserves de Dijon) - Journal de Marche, Rapports de combat, Registres de vol du GC II/5, SHD Air Vincennes, G 7854 et G 7856 - Carnets de Patrouilles, Roland Tessier, 1943 - Le Cinquième Quart d'Heure, Jean Gisclon, 1965 - La Grande Aventure de la Chasse Française, Jean Gisclon, 1983 - Chasseurs En Vue, On Attaque ! André-Armand Legrand, 1992 - Dans Le Ciel en Feu, Jean Hallade, 1999 - Les Ailes de 1940, Patrick Gmeline, 2007 - Les CURTISS H-75 de l'Armée de l'Air, Lionel Persyn, 2008 ... - Match n°69 du 26 octobre 1939 et n°73 du 23 novembre 1939 - 80 ans d'aviation militaire française, Collection Musée de l'Air et de l'Espace du Bourget, Sirpa-Air - Traditions Air - JMO 87e DIA - SHD Vincennes - cote 32N348 ... - GRDIA 87 - Archives de Germaine L’Herbier-Montagnon, Fiche 414 du 12 avril 1941 consacrée au Lieutenant Pierre Houzé - SHD Vincennes - cote 17Z 32821/2 (Houzé n'est pas mentionné dans Disparus dans le ciel, ni dans La Couronne t'attend). - Chemins de memoire - Crashes avions 39-45 -> Informations complémentaires
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