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Le 287e Régiment d'Artillerie Lourde Divisionnaire sur l'Ailette, mai-juin 1940

Origines

Le 287e Régiment d'Artillerie Lourde est une unité de réserve ou de "formation" (par opposition aux unités d'actives du temps de paix) mise sur pied à la mobilisation et composée essentiellement de réservistes. Il constitue en mai-juin 1940 avec le 87e RAA l'artillerie divisionnaire de la 87e DIA (Division d'Infanterie d'Afrique), qui compte conformément au règlement un régiment à 3 groupes de canons de 75 (série 60) et un régiment à 2 groupes de 155 C (série 260).

Le 287e RAL est issu du 267e RAL initialement mis sur pied au dépôt de Grenade, près de Toulouse le 2 septembre1939 (CMA 17), à partir d'éléments du 67e RAA du temps de paix de Constantine (Algérie), pour être affecté à la 83e DIA, qui restera finalement en Tunisie. Le 267e RAL est alors renommé 287e RAL le 1er novembre1939 (formation officielle le 29 novembre 1939 - CMA 16), pour servir au sein de la 87e DIA originaire d'Algérie, qui débarque à Marseille à cette époque. 
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Selon le JMO :  Noyau actif provenant du 24e RA de Tarbes - Cdt le 287 :
LCl Blondel

Le 287e est composé de Français d'Afrique du Nord ou de métropole et de soldats "indigènes" originaires d'Algérie (environ 40 % dans l'artillerie) sous commandement français. L'unité est équipée du canon de 155 C hippomobile.

Organisation

Sur le pied de guerre, le 287e, régiment d'artillerie lourde divisionnaire hippomobile armé du canon de 155 C, est théoriquement constitué, outre l'état-major de régiment et la batterie hors rang, de deux groupes (IV et le V pour ce qui est du 287e RALD) à trois batteries montées de 155 C (soit 12 canons par groupe) et une colonne de ravitaillement, soit 20 officiers et 768 hommes par groupe et 47 officiers et 1673 hommes pour l'ensemble du régiment.

Commandant : Chef d'escadron Le Pelletier de Woillemont

Etat major de régiment et batterie hors rang : 7 officiers, 137 hommes (sous-officiers, brigadiers, servants, conducteurs et chauffeurs), 42 chevaux, 5 voitures hippomobiles, 15 voitures automobiles, 1 motocyclette et 5 bicyclettes.
La batterie hors rang est organisée en 3 pelotons de pièce ; la 1e pièce compte une équipe de reconnaissance et de liaison et une équipe d'observation et de réglage, la 2e le service de transmissions et la 3e les services généraux.

Groupe IV et V (155 C hippomobiles) :
- Etat-major de groupe : 6 officiers, 92 hommes (sous-officiers, brigadiers, servants, conducteurs et chauffeurs), 56 chevaux, 7 voitures hippomobiles, 3 voitures automobiles, 1 motocyclette et 15 bicyclettes
- 1e Batterie : 3 officiers, 161 hommes (sous-officiers, brigadiers, servants et conducteurs), 137 chevaux, 19 voitures hippomobiles et 1 bicyclette.
Le personnel d'une batterie est réparti en 6 pelotons de pièce; 4 pièces attellent un canon et un caisson, la 5e attelle les voitures téléphonique, porte mitrailleuses, porte servants, ... et la 6e la cuisine, les fourgons, la forge, les rechanges, ...
Chaque pièce attelant un canon a généralement à sa tête un maréchal des logis et compte une vingtaine d'hommes ; 2 brigadiers et maîtres-pointeurs, 8 servants, 7 conducteurs montés, 1 ou 2 conducteurs non montés, 17 chevaux et 2 voitures ; une à 8 chevaux pour le canon et une à 6 chevaux pour le caisson.
Ce dernier peut transporter 28 obus, 3 caisses à gargousses (charges de poudre), 3 servants avec leur équipement et divers accessoires ou en service de ravitaillement 36 obus et trois caisses à gargousses.

- 2e Batterie : id. 1e Batterie
- 3e Batterie : id. 1e Batterie
- Colonne de ravitaillement : 5 officiers, 193 hommes (sous-officiers, brigadiers, servants, conducteurs et chauffeurs), 172 chevaux, 27 voitures hippomobiles, 11 voitures automobiles et 3 bicyclettes.

La batterie est l'équivalent dans l'artillerie de la compagnie dans les armes « à pied » et de l'escadron dans les armes « à cheval ». Le peloton correspond à une section dans les armes « à pied ».

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Canon de 155 mm Court (Larousse)

Le canon 155 C modèle 1917

Initialement conçu par Schneider pour l'armée impériale russe, le canon de 155 mm Court est rapidement adopté en 1914 par l'armée française lorsque le conflit s'enlise. Moderne et performant, le 155 C devient le principal canon lourd français de la grande guerre. Le premier modèle 1915 utilisait des douilles en laiton pour la charge. Le modèle 1917 ne diffère que par quelques modifications de la culasse.

Plutôt léger, (3.300 kg en batterie, c. à d. en position de tir), le 155 C tire à 11.200 m un projectile de 43,5 kg. Il existe différents types de projectiles ; explosif, à mitraille, à balles, fumigène, éclairant, ...

Le 155 C est adopté par le corps expéditionnaire américain sous l'appellation M1917A1. Il est encore en service tant en France qu'au USA au début de la seconde guerre.

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Uniformes et équipements

Artilleur à pied armé du mousqueton ; 2 musettes, bidon côté droit, masque à gaz et sabre-baîonnette à gauchePour la campagne de France, les artilleurs du 287e RA conservent le casque Adrian à croissant des troupes d'Afrique, la chéchia rouge portée en métropole avec le couvre chéchia en calicot kaki clair, et la ceinture de laine rouge, portée en toutes circonstances par dessus les effets en tenue de sortie et par dessous dans les autres cas protégeant ainsi du froid.

Artilleur monté armé du pistolet ou revolverLa chemise et la cravate modèle 35, les bandes molletières modèle 18 (ou les jambières en cuir modèle 16 ou 21) et les brodequins modèle 17 du modèle général font également partie de la tenue portée en Algérie et en France.

Les effets de toile (bourgeron et pantalon) portée en Afrique sont quant à eux abandonnés au profit des effets des troupes métropolitaines ; capote croisée modèle 20, vareuse modèle 20 ou 20-35 et pantalon modèle 22 pour les hommes non montés, manteau modèle 20, 20-26 ou 20-35, vareuse modèle 20 ou 20-35 et pantalon modèle 22 ou 33 serré sous le genou pour les hommes montés.

Les pattes de collet sont en drap garance avec des numéros bleus dans l'artillerie, ...

Au printemps 1940, les effets d'habillement modèle 38 rares à la mobilisation sont largement en service, surtout le pantalon golf dont la production a été intensive durant l'hiver. La capote à un seul rang de bouton, le manteau pour troupe montée ou la vareuse modèle 38 nettement moins fabriqués équipent rarement les corps de troupe de manière homogène. La plupart en reçoivent, mais seulement à titre de remplacements partiels des effets des anciens modèles qui ne manquaient pas à la mobilisation.

La 87e DIA a reçu en février 1940 le rare équipement modèle 1935. Principalement affecté à l'infanterie, ses faibles cadences de production ne permettent pas, loin s'en faut, de remplacer les équipements de l'ancien modèle qui continuent d'être le lot quotidien de bien des unités de l'armée française en général et de l'artillerie en particulier.

Avec ses multiples lanières bardant la poitrine, cet équipement est généralement constitué dans l'artillerie de deux musettes - l'artilleur laissant son sac dans le caisson du canon ou un véhicule de transport - des cartouchières 1916 ou d'un étui pour pistolet, d'un bidon et du masque à gaz ANP 31.

 

L'armement


Mousqueton 1916

L'artillerie ne reçoit pas non plus le mythique fusil MAS 36 (102 cm / 4,020 kg / magasin 5 cartouches cal. 7,5 mm), en réalité assez rare, mais conserve le mousqueton d'artillerie 8 mm Berthier modèles 1892 ou 1916 (94,5 cm / 3,405 kg / magasin 3 ou 5 cartouches), étroitement dérivé du fusil Berthier modèle 07/15 ou 1916 (130,6 cm / 4,290 kg / magasin 5 cartouches) qui équipe la majorité de l'infanterie. Les deux armes utilisent la cartouche Lebel 8 mm. Le mousqueton d'artillerie reçoit le sabre-baïonnette modèle 1892.

Revolver 1892

Les armes de point datent pareillement de l'autre guerre, pistolets automatiques 7,65 mm Ruby 1915, Star 1917, revolvers au mieux 8 mm modèle 1892 ou 11 mm modèles 1873 et 1874 ressortis des stocks.

Parmis les témoins, Jacques R... Lieutenant au 237e RALD, qui se trouve sur le front au sud d'Amiens avec la 16e DI, note que l'armement du 237e RALD est constitué de canons de 155. "C'est tout. Pas de canons antichars; un mousqueton pour cinq hommes. Enfin, deux mitrailleuses pour la défense antiaérienne. L'éventualité que des artilleurs pussent avoir à se battre contre des chars avait été perdue de vue; en raison de l'idée, bien ancrée, que les artilleurs sont toujours loin derrière la première ligne et ne sont jamais engagés dans des combats au corps à corps." (cité par Dominique Lormier dans La bataille de France jour après jour.)

"Il faut préciser que beaucoup de nos artilleurs des échelons arrières n'ont absolument aucune arme. Dans une armée, où les calculs furent faits trés sèrieusement, on a trouvé que sur un total de 6 divisions, 15.000 hommes n'avaient aucun moyen de défense : ni fusil, ni revolver, ni poignard." Colonel de Bardies - La campagne 1939-1940.

La situation est bien meilleure pour ce qui est des armes collectives. Le fusil-mitrailleur de 7,5 mm modèle 1924 M 29, dont la production a été importante depuis 1930, équipe l'ensemble des troupes à l'entrée en guerre, comme la mitrailleuse de 8 mm Hotchkiss modèle 1914, dont les stocks étaient considérables en 1939.

FM 24-29    Hotchkiss 14

 

Déroulement de la Campagne de France

Le 287e RAL, mis sur pied en France près de Toulouse à la mobilisation, rejoint en novembre 1939 la 87e DIA qui arrive d'Algérie et se regroupe dans la région de Montpellier, Albi, Castelnaudary avant d'être emmenée vers Arcis-sur-Aube le 27 novembre. Elle y séjourne jusqu'à la fin du mois de février 1940, époque à laquelle elle reçoit l'équipement 1935. Elle est alors appelée à relever la 7e Division Coloniale dans le Secteur Fortifié de la Sarre (sur la Ligne Maginot entre Téting et Achen - Moselle).

En mai, la Division est relevée par la 82e D.I.A. et la 52e D.I. et transportée dans la région de Pierrefonds (Oise). En Réserve du Groupe d'Armées 2 (GA 2) au 10 mai 1940, elle est affectée à la 6e Armée du Gal Touchon puis à la 7e Armée du Gal Frère et le 18, elle fait mouvement vers l'Ailette et prend contact avec l'ennemi au nord de la rivière, à Verneuil-sous-Coucy et à Coucy-le-Château. 

155 C en action

Le 287e RAL sur l'Ailette

Les 155 C hippomobiles du régiment s'installent en soutien des Zouaves et des Tirailleurs Algériens de la division (9 Z, 17e et 18e RTA) établis entre Leuilly-sous-Coucy et Manicamp. 

Selon les manuels d'instruction, après une reconnaissance du terrain, chaque peloton aménage l'emplacement de sa pièce (à grand champ de tir pour les pièces d'aile), les observateurs établissent un poste d'observation, les téléphonistes installent le PC et le central téléphonique ; aménagement des accès, aplanissement des terre-pleins, dégagement des champs de tir et d'observation, installation des filets, toiles de tentes et autres camouflages puis mise en place du matériel de communication, des pièces et de leurs munitions.

La défense rapprochée de la batterie est organisée ; aménagement d'emplacements pour les mitrailleuses, FM et fusils, construction de réseaux de fil de fer et organisation d'un guet. 

En quelques heures, la batterie est opérationnelle et camouflée. Par la suite, durant les interruptions de tir, les aménagements sont améliorés ; protection du personnel de tir par des sapes creusées de part et d'autre à l'arrière de la pièce, mise à l'abri des munitions de part et d'autre du terre-plein de la pièce ou dans des niches à munitions aménagées dans les sapes, creusement de sapes de communication, d'abris de bombardement entre les pièces et de repos à distance suffisante, ...


D'après le Manuel du Gradé d'Artillerie Lourde - HCL - 1940

En pratique, les témoignages font état de l'absence de tranchée "... nous nous battons toujours à découvert", écrit Jean C... artilleur au 287e RALD à sa femme.

Jacques R... Lieutenant au 237e RALD de la 16e DI, remarque que si la défense imaginée par Weygand est peut-être la seule possible, elle a peu de chance d'empêcher les Panzers et l'infanterie de passer et "neutraliser l'artillerie, et en même temps, tout le dispositif mis en place pour assurer liaison et ravitaillement."

Concernant les combats entre chars et artillerie de campagne, "Cela ne faisait pas partie de ce qu'on nous avait appris. Quelques 75 avaient réussi à toucher des chars. A l'époque, aucun char allemend, même les plus gros, n'avait quelque chance de résister à un coup direct de 75. Mais le problème, justement, était ce coup direct, de le pointer avant de tirer. 

"Un canon de campagne, sa bêche enfoncée, n'a qu'un champ de tir très étroit. Pour le faire pivoter d'un quart de tour, il faut soulever la bêche et la porter, ou plutôt la traîner, sur plusieurs mètres, en un quart de circonférence. 

"Sur le 155, il faut quatre hommes et plusieurs minutes ; des minutes pendant lesquelles les servants sont sous le feu de l'ennemi. Cette déficience fondamentale de l'affût annule la supériorité de puissance de feu qui était alors celle du canon sur les chars. Pour lui redonner cette supériorité, il eût suffi que l'affût pût pivoter rapidement de 360 degrés et que les hommes disposent de quelques protections contre un tir de mitrailleuse lourde."

Tous deux cités par Dominique Lormier dans La bataille de France jour après jour.


Situation à la fin mai 1940 : 

- PC RA : creute 1.200 m au nord de Vézaponin, 
- PC Ve Groupe : creute nord Epagny,
- PC VIe Groupe : reste ferme du Mont du Crocq. 

5 juin 3 heures, alerte aux parachutistes. 4 heures, déclenchement de l’attaque. L’artillerie et bombardée en piqué par l’aviation. Les 155C effectuent des tirs nourris et efficaces toute la journée sur le canal et les ponts sur Coucy, Folembray, Pont-St-Mard, Guny, Ferme d’Orgival, Trosly puis en avant au fur et à mesure de de l’avance ennemie d’abord contenue puis retardée mais sans cesse alimentée par de nouveaux renforts. 

Munitions épuisées. Ordre de repli de la DI le 5 juin à 23 heures après avoir protégé le repli du 87e RAA. 

Ve Groupe a tiré 1.729 coups, VIe 1.490, soit au total 3.249 représentant 140 tonnes de projectiles. 

Les groupes d'AL du 287e ont conservé toutes leurs pièces. 

Le 7, la Division se replie au sud de l'Aisne et combat, le 8, aux lisières nord des forêts de Villers-Cotterêts, de Montigny-Lengrain. Le 9, les combats se livrent à Chelles, à la ferme de Pouy, à Roye-Saint-Nicolas, à Taillefomaine. Le 10, repli sur la Gergogne, combats à Crépy-en-Valois. Le 11, repli sur Bouillancy, et Vincy-Manoeuvre, au nord-est de Paris. Le 12, passage au sud du Grand-Morin. Le 13, recul vers Esbly, Montry et le 14, repli au sud de la Seine : Samois, Veulaines, Avon, Champagne-sur-Seine.

Le 15 juin, l'ennemi est à Melun. Le 16, ce qui reste de la Division se regroupe au carrefour de l'Obélisque, forêt de Fontainebleau, puis se replie, partie à pied, partie en camions, vers les Bordes et Bonnée.

Le 287e RAL est dissous le 16 juin 1940 et ses effectifs sont transférés au 76e RA (3e DLM).

...

La 87e Division reçoit le 2 septembre 1940 une Citation à l'ordre de l'Armée :

         

GUERRE DE 1939-1940

ORDRE N° 210 C

Le Général Commandant en Chef, Ministre, Secrétaire d'Etat à la défense Nationale, cite :

A L'ORDRE DE L'ARMEE

87e Division d'Infanterie Nord-Africaine

" Attaquée sur la position de l'Ailette le 5 juin 1940, la 87e Division, sous l'impulsion de son chef, le Général Henry MARTIN, a opposé à l'ennemi une résistance héroïque. Toutes ses troupes : Infanterie, Cavalerie, Artillerie, rivalisant d'ardeur pour défendre à outrance les points d'appui, même lorsqu'ils étaient dépassés par l'ennemi ou encerclés, ne se sont repliées que sur l'ordre du Commandement, obligées souvent de se frayer un passage les armes à la main.

" Regroupées après la bataille, ces mêmes unités faisant preuve d'une telle discipline et d'un magnifique esprit de devoir ont pu, à nouveau, être engagées dans de durs combats qui ont marqué la défense de l'Aisne, puis la retraite vers la Seine et la Loire.

" Dans toutes ces opérations, la 87e D.I.N.A. a fait preuve d'abnégation, d'endurance, de vaillance, dignes des grandes traditions de l'Armée d'Afrique.

2 Septembre 1940.

Signé : WEYGAND.

         

Sources et liens

France, 1940 - http://france1940.free.fr/oob/fr_oob.html

Militaria Magazine - http://www.militariamag.com/

Règlement de manoeuvre de l'artillerie - Titre VIb - Unités hippomobiles armées du matériel de 155 C, Mle 1917 - 1938

Manuel du Gradé d'Artillerie Légère - HCL - 1940


Témoignages

Dominique Lormier dans La bataille de France jour après jour : Mai-juin 1940 Ed. Le Cherche Midi 2010 mentionne les héroiques combats de la 87e DIA sur l'Ailette en juin 1940.

L'auteur publie en outre une lettre de Jean C[…], artilleur au 287e Régiment d'Artillerie Lourde Divisionnaire (RALD), adressée à sa femme le 6 juin 1940. Une batterie du 287e RAL se trouvait probablement près du village de Quierzy lors de ces combats.


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