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Les Tirailleurs Algériens
 
© 18e RTA 1940

 | Historique | Organisation | Uniforme | Marche des Tirailleurs | Le service militaire |

Les Tirailleurs Algériens sont des unités d’infanterie de l'Armée Française d'Afrique de la période coloniale, ces unités sont constituées pour l'essentiel d'indigènes musulmans d'Algérie encadrés par des français. Les Tirailleurs Algériens, apparus officiellement en 1842, sont du fait de la démographie de l’Algérie de tous temps plus nombreux que les Marocains, les Tunisiens ou les Sénégalais. 

Le précurseur du recrutement des musulmans dans l’armée française serait Bonaparte, qui en 1798 lève en Egypte le Bataillon de Chasseurs d’Orient et l’Escadron des Mameluks de la Garde. 

Le terme tirailleur, apparu bien avant 1842, désigne dans le langage militaire une tactique de combat pratiquée par un soldat ou une troupe légère détachée en avant pour progresser en ordre dispersé devant le gros des troupes en éclaireur ou pour harceler l'ennemi en tirant à volonté sur l'ennemi (marcher, se déployer en tirailleurs, par opposition aux unités de ligne d’autrefois, dans lesquelles chaque rang tirait sur ordre puis rechargeait et ainsi de suite, au cours d’une bataille rangée). Cette méthode de combat donne au 18e siècle son nom aux fantassins et aux unités d'infanterie légère qui la pratiquent (bataillon de Tirailleurs d'un régiment de Chasseurs). Au 19e siècle, les unités de Tirailleurs sont des troupes de l’armée française levées en dehors de la métropole. 

La filiation des Tirailleurs est donc à rechercher du côté des Chasseurs à pied de l'infanterie légère, organisés en bataillons et non en régiments depuis l'époque de la guerre de Sept Ans (1756-1763), pour faire le service des avant-postes : reconnaissance, coups de main, en avant des régiments de ligne. Bonaparte rebaptise en 1804 son Bataillon de Chasseurs Corses en Bataillon de Tirailleurs Corses en hommage à ces troupes. 

Le terme est ainsi antérieur à la colonisation de l'Afrique et en rien péjoratif aux 19e et 20e siècle, bien au contraire (l’infanterie de ligne était auparavant considérée comme plus noble). Ce mode de combat est par la suite largement répandu dans toute l’infanterie. Le terme renvoit en outre aux qualités militaires reconnues des troupes originaires d'Afrique pour ce type de combat, qualités qui s'avèreront particulièrement précieuses dans toutes les campagnes menées par l'armée française à partir de 1830 et feront figurer les régiments de Tirailleurs parmi les plus décorés. 
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On trouve également un Bataillon de Tirailleurs d’Afrique destiné à être employé en Afrique du nord organisé par l'o
rdonnance du roi du 28 octobre 1836, bataillon dont le noyau sera formé de militaires français réunis à Pau.
Dans le sens de la filiation Chasseurs-Tirailleurs, le Bataillon Provisoire de Chasseurs à Pied créé par l'ordonnace du 14 novembre 1838 est définitivement constitué sous la dénomination de Bataillon de Tirailleurs par ordonnace du 28 août 1839 et engagé expérimentalement en Algérie.
Enfin, l'infanterie moderne (à partir du 19e siècle) n'agit plus avec l'infanterie de ligne derrère l'infanterie légère et les Tirailleurs ne seront pas systématiquement envoyés en avant des autres unités, mais bien souvent quand même ! 


Historique

1830-1841

Dès le début de la conquête de l'Algérie en 1830, les troupes françaises s’entourent d'autochtones recrutées sur place, c'est la naissance de l'Armée d'Afrique. Ces troupes connaissent la culture locale, le pays, l’adversaire et subissent moins les différents climats que les occidentaux. L'infanterie indigène au service de la France apparaît immédiatement après la prise d'Alger le 5 juillet 1830. Les premiers "Zouaves" (ils doivent leur nom à une confédération kabyle, les "Zouaoua"), sont réunis à Alger dès août 1830, prêts à entrer au service du corps expéditionnaire français, après la prise de la ville par le général de Bourmont, envoyé en Algérie par Charles X. 

Le général Clauzel, nommé par Louis-Philippe après la révolution de juillet 1830, arrive en Algérie et organise par un arrêté du 1er octobre 1830 le corps des Zouaves. Chaque bataillon comptera 22 officiers, dont 6 indigènes, 673 sous-officiers et hommes de troupe très majoritairement autochtones (31 français) par bataillon. Dans chaque compagnie, sur 3 officiers 2 peuvent être indigènes, les sous-officiers sont pour moitié français et pour moitié indigènes et 100 soldats pris indistinctement. La solde est la même pour les indigènes que pour les troupes françaises. 

La marche sur Médéa à 90 kilomètres au sud d’Alger, qui impose de franchir l’Atlas au col de Mouzaïa, donne aux Zouaves une première occasion de montrer leur endurance et leur vaillance. Clauzel occupe Médéa en novembre 1830. L’expérience paraît concluante. Paris approuve et fait envoyer courant décembre 3 000 fusils d’infanterie et 1 500 sabres pour armer les Zouaves. 

La loi du 9 mars 1831 confirme le souhait de réduire les régiments de ligne français engagés et de trouver des effectifs sur place et, en application, l’ordonnance du roi du 21 mars 1831 confirme les dispositions provisoires de l'arrêté du 1er octobre 1830 et porte l’effectif de chaque bataillon de Zouaves à 29 officiers, 891 sous-officiers et soldats et 8 enfants de troupe. Les bataillons recevront des volontaires français et étrangers. Les gradés français y sont admis au grade supérieur. La tenue est maure : une calotte rouge, une ceinture en toile de coton bleu, une veste avec manches et un pantalon court, veste bleue et pantalon rouge aux couleurs de l’infanterie. 

Cette mixité du recrutement, spécificité du corps des Zouaves, doublée d’une égalité de traitement au sens propre, est diversement appréciée lorsque la colonisation prend le pas sur la conquête militaire. L’ordonnance du roi du 7 mars 1833 modifie l’organisation des Zouaves et en particulier à l’égard des indigènes. Les deux bataillons de Zouaves sont réunis en un seul d’un effectif total maximum de 38 officiers et 1245 hommes, bataillon constitué de 2 compagnies françaises et 8 compagnies indigènes. Chaque compagnie indigène peut recevoir 12 soldats français et 92 indigènes. Mais surtout, le mode de recrutement des Zouaves se rapproche pour les français des autres corps de l’armée française, il était plus favorable auparavant, tandis que les indigènes se voient appliquer des règles spécifiques pour le recrutement : approbation du général et du sous-intendant militaire, durée d’engagement réduit à trois ans et rengagement d’un an, … L’accès aux zouaves est désormais limité pour les indigènes, dont l'effectif ira en diminuant dans ces unités.

Même si au fur et à mesure de la conquête de l'Algérie un 2e bataillon de Zouaves est créé au moment de l'expédition de Mascara (ord. du roi du 25 déc. 1835), il est à deux compagnies françaises et quatre indigènes seulement. Les deux bataillons sont réunis sous les ordres d'un Lt-Colonel. U3e bataillon est pareillement constitué avec la garnison laissée à Tlemcen (ord. du roi du 20 mars 1837) avant d'être supprimé le 21 décembre 1838, soit un effectif ramené à douze compagnies (46 officiers et 1.326 hommes, selon l'ordonnance du 4 août 1839). Il n'aura donc pas été recruté d'indigènes dans les Zouaves en dehors des alentours d'Alger.

Dans le même temps, dès 1830, les Turcoscompagnies et bataillons d'infanterie turque, héritiers des auxilliaires de l'armée ottomane, d'où probablement le surnom de Turcos, entrent au service de la France au fur et à mesure de la conquête de l'Algérie. Ces unités plus ou moins régulières rendent de précieux services à la France, tandis que les arabes y remplacent peu à peu les turcsIl en existe à Oran, pris par Damrémont le 4 janvier 1831, et Mostaganem tenue dès 1830 par une garnison d'une centaine de Turcs à la solde de la France. Pareillement, à  Constantine après la prise de la ville par la français en 1837, 800 fantassins dénommés Tirailleurs de Constan­tine entrent au service de la France. En 1840, le Bataillon Turc des Tirailleurs de Constantine est habillé d'un uniforme en drap bleu clair. Dans les provinces d'Oran et de Constantine, la filiation entre les bataillons turcs et les futurs bataillons de tirailleurs indigènes est donc directe

A côté des unités de tirailleurs et de spahis tendant à se régulariser, entre 1830 et 1840, des troupes indigènes auxiliaires se constituent en Algérie :
- des forces de police locale ; gendarmes maures, spahis auxilliaires, ...
- des tribus aux ordres de leurs chefs traditionnels,
- des goums de levée temporaire, encadrés par des tirailleurs ou des spahis.

Réguliers et auxiliaires forment une "sorte de nébuleuse, écrit Jacques Frémeaux, ayant pour noyau le Service des Affaires Indigènes" ou Bureau Arabe après 1833.

1842-1854

A partir de 1841, avec l'arrivée de Bugeaud, nommé gouverneur général de l'Algérie, la France disposera bientôt de plus de 100 000 hommes et de nouvelles méthodes inspirées de l'expérience dans la lutte contre les partisans pendant la Guerre d'Espagne sont employées : allègement de l'équipement des soldats, remplacement des voitures par des bêtes de somme, mise de l'artillerie à dos de mulet, troupes divisées en colonnes mobiles, ...

L'ordonnance du roi du 8 septembre 1841, regroupe à effet du 1er janvier 1842 les Zouaves en un régiment à trois bataillons de neuf compagnies, où ne sont plus admis que les françaisUne seule compagnie de chaque bataillon est indigènepour justifier le nom, l’uniforme particulier du corps ... et entretenir  la gloire des premières années. On ne conserve en effet dans cette compagnie indigène que les plus anciens par égard pour les services qu’ils avaient rendus, et donc pour un temps seulement. Les Zouaves seront désormais des régiments d'infanterie français comme les autres, à l'unforme près.

A cette époque, l'effectif des corps d'infanterie indigènes, "organisés en vertu d'ordonnances royales ou créés sous l'empire des circonstances, par des arrêtés des autorités locales", est selon un rapport de décembre 1841 du maréchal duc de Dalmatie, ministre de la guerre de Louis-Philippe, de 2.500 hommes (cité dans l'Historique du 1er RTA). Il ne faut donc pas chercher dans la faiblesse supposée des effectifs indigènes, la nécessité d'un recrutement distinct, d'autant qu'on a favorisé de bonne heure en Algérie le développement de la cavalerie indigène ... On va donc créer sous le nom de Bataillons de Tirailleurs Indigènes des corps spéciaux d’infanterie, où les français n’occuperont qu’une partie des emplois d’officiers et de sous-officiers.

L'ordonnance du roi du 7 décembre 1841 réorganisant l'infanterie d'Afrique crée trois bataillons de Tirailleurs Indigènes, un par province (Alger et Titteri, Oran et Constantine), qui accueilleront désormais les indigènes à qui des règles spécifiques s’appliquent : accès aux grades et fonctions, avancement, durée du service, …(cf Chapitre II de l'ordonnance du 7 déc. 1841).

Chaque bataillon compte huit compagnies, soit un total de 45 officiers, dont 16 indigènes et 1.739 hommes, dont 27 français. L'Etat-Major, le petit Etat-Major et la section hors rang du bataillon sont entièrement français (5 officiers + 11 hommes).

Chaque compagnie compte 5 officiers et 216 hommes : 

- 5 officiers, dont 2 indigènes (un lieutenant, grade le plus élevé pour un indigène, et un sous-lieutenant, le capitaine est toujours français),  
- 6 sous-officiers, dont 4 sergents indigènes (le sergent-major et le fourrier sont français),
- 8 caporaux indigènes,
- 200 indigènes + 2 tambour et clairon indigènes

La formation des bataillons de Tirailleurs s'échelonne sur plusieurs mois en 1842. 

Les 5 compagnies du 1er Bataillon de Tirailleurs Indigènes de la province d'Alger sont regroupés à Maison-Carrée le 1er aout 1842

Le 2e Bataillon de la province d'Oran est constitué à Mostaganem en septembre 1842. 

Le 3e Bataillon de la province Constantine est formé dans cette ville le 11 août 1842 avec le bataillon turc de Constantine et le demi-bataillon turc de Bône.

Le modèle des Tirailleurs Algériens sera par la suite repris dans les autres colonies (Tirailleurs Sénégalais en 1857, Tirailleurs Marocains en 1912, etc). 

Moins exotiques que les "Sénégalais" (issus des différents pays de l'Afrique sub-saharienne en réalité), les maghrébins sont plus nombreux dans l'armée française (32 RTA et RTT, 10 RTM / 26 RTS en 1939-40). 

Rapidement, le commandement français montre une grande confiance dans ces troupes et leur implication au service de la France ainsi que leur exotisme les rendront très populaires. Les régiments de Tirailleurs Algériens écrivirent pour l'armée française parmi les pages les plus glorieuses de son histoire. Ils participent à toutes les campagnes du Second Empire et de la IIIe République.

Ils servent tout d'abord de force de souveraineté dans les territoires conquis participant à la plupart des opérations de conquête et de pacification en Algérie même : Laghouat (1852)

Turco est le sobriquet donné aux tirailleurs algériens, et ce avant la guerre d'Italie de mai-juin 1859. On trouve en effet le terme dès 1856 chez F. Mornand, La Vie arabe, Paris, Lévy, p. 109 : un carré d'infanterie de ligne et de Turcos (fort belle milice indigène, en turbans blancs...). Il fait référence à la domination turque sur l'Algérie jusqu'en 1830 : probalement emprunté au sabir algérien turco (turc) et ou remonterait à la guerre de Crimée (1854-1855), les Russes ayant pris les tirailleurs algériens pour des Turcs à cause de leur uniforme à la turque.
Vous devriez venir voir l'entrée des troupes et particulièrement celle des turcos qui sont d'étranges hommes couleur d'acajou avec des yeux de gazelle. Ce sont d'ailleurs de francs coquins, qui malgré le Coran se soûlent tous les jours (Mérimée, Lettres ctessede Montijo, t. 2, 1859, p. 144).     http://www.cnrtl.fr/

1854-1912

À partir de 1854, les tirailleurs vont servir hors d'Afrique du Nord. Pour la guerre de Crimée (1853-1856), un régiment de Tirailleurs Algériens à deux bataillons de neuf compagnies est créé par décret impérial du 9 mars 1854. A Sébastopol (1854-1855), les tirailleurs algériens gagnent leur surnom de "Turcos" du fait notamment de leur uniforme à la turque.

Au 1er mars 1855, en exécution du décret impérial du 9 janvier 1855 un 2e Bataillon de Tirailleurs Indigènes est formé dans chacune des trois provinces de l'Algérie à trois compagnie au début pour la province d'Oran, quatre pour les autres, l'organisation est identique par ailleurs au 1er bataillon..

Il existe désormais huit bataillons de Tirailleurs Indigènes au total.: six en Algérie (deux dans chaque province) et deux au régiment de Tirailleurs Algériens de Crimée.

IV - Le 1er janvier 1856, trois régiments de Tirailleurs Algériens à trois bataillons de six compagnies sont formés en application du décret impérial du 10 octobre 1855, un dans chacune des trois provinces de l'Algérie, à partir des deux bataillons de Tirailleurs Indigènes de chaque province et du contingent issu de cette prvince qui a fait partie du Régiment de Tirailleurs Algériens ayant pris part à la campagne de Crimée :

- 1er RTA d'Alger 
- 2e RTA d'Oran 
- 3e RTA de Constantine
 

Chaque régiment compte 106 officiers et 4 059 hommes

C'est ensuite la campagne d'Italie ; Turbigo, Solférino (1859), du Sénégal (1860-1861) et de Cochinchine (1861-1864), l'expédition du Mexique ; San Lorenzo (1862-1867).

Une première fois au cours de la guerre franco-allemande de 1870-1871 les Tirailleurs viennent défendre le territoire national.; en Lorraine, aux armées de la Loire et de l'Est. La Marche des Tirailleurs relate l'exploit des « Turcos » à Froeschwiller le 6 août 1870 où les Tirailleurs Algériens du 2e Régiment chargèrent les canons prussiens et furent anéantis à 90% pour s'emparer de 6 canons prussiens qui "balayaient la plaine".

Campagnes de Tunisie (1881-1883), du Tonkin ; Extrême-Orient (1883-1886), de Madagascar (1895), le Tchad (1900) opérations de pacification en Algérie, au Sahara, ...

En 1884, un 4e régiment a été formé en Tunisie.

Lors de la campagne du Maroc de 1907 à 1913, mais aussi du fait des menaces grandissantes de guerre en Europe, le nombre de bataillons des trois RTA passent de 18 à 25 : 8 au 1er RTA, 9 au 2e, 8 au 3e, plus 12 au 4e RTA de Tunisie également engagé au Maroc.

Principe de numérotation des régiments de Tirailleurs

A partir des numéros des quatres régiments d'origine : 1er RTA d'Alger, 2e RTA d'Oran, 3e RTA de Constantine et 4e RTT de Tunisie, on ajoute un multiple de 4 pour donner le numéro des nouveaux régiments de chaque province puis département : 

Alger : 1er, 5e, 9e, 13e, 17e, 21e, 25e, 29e, 33e RTA
Oran : 2e, 6e, 14e, 18e, 22e, 26e RTA
Constantine : 3e, 7e, 11e, 15e, 19e, 23e, 27e, 31e, 35e, 39e, 43e, 47e RTA
Tunisie : 4e, 8e, 12e, 16e, 20e, 24e, 28e, 32e, 36e, 108e RTT

A partir des années 20, les régiments stationnés en Algérie et Tunisie sont numérotés de 1 à 12, les régiments stationnés hors de leur pays d'origine, mais dans le bassin méditerranéen conservent la série de 13 à 20. Les régiments stationnés en France sont numérotés à partir de 21, chacun d'eux était jumelé, pour la relève, avec un des régiments stationnés en Algérie-Tunisie, dont il prend le numéro augmenté de 20.

Même principe pour les Spahis, les Centres Mobilisateurs d'Infanterie d'Afrique (CMI Afr) :

Alger : CMI Afr 1, 5
Oran : CMI Afr 2, 6
Constantine : CMI Afr 3, 7
Tunisie : CMI Afr 4, 8

... pour les Brigades d'Infanterie Alérienne du XIXe Corps d'Armée :

Division d'Alger : 1e Brigade d'Alger et 5e de Blida
Division d'Oran : 2e d'Oran et 6e de Tlemcen
Division de Constantine : 3e de Constantine et 7e de Bône

 

1912-1920

En 1912, le recrutement des indigènes algériens, jusqu’alors recrutés par engagement volontaire, est complété par la conscription par tirage au sort avec appel à dix-huit ans et service de trois ans, en vue de la création de nouvelles unités (Loi du 23 décembre 1912), rendue nécessaire en raison de la réduction du temps de service militaire à deux ans pour les français (appelés à vingt ans) votée en 1905. 

En 1913, cinq nouveaux régiments, les 5e, 6e, 7e, 8e et 9e, sont créés avec les bataillons engagés au Maroc.

En 1914, les Tirailleurs vont à nouveau défendre le territoire national. 

Lire >>> Les Tirailleurs dans la première guerre mondiale <<<

Voir les régiments de marche, les bataillons en 1914 sur le Forum Pages 14-18

Les Tirailleurs s'illustrent sur tous les fronts durant toute la guerre ; Guise, L'Yser, Champagne en 1914 et 1915, Verdun, La Somme, L'Aisne, La Malmaison en 1916 et 1917, Champagne, Soissonnais, Le Matz, La Serre en 1918 voisinent sur leurs drapeaux, sans parler des campagnes d'Orient. Les drapeaux des Tirailleurs sont parmi les plus décorés. 

En 1918, sept nouveaux régiments de marche sont constitués en principe avec un bataillon aguerri et deux bataillons de recrues : 5e, 10e, 11e, 12e, 13e, 15e, 21e et deux régiments mixtes transformés. 

A l'armistice, il y a sur le front de France, dix-sept régiments de marche de tirailleurs et le ler R.M.Z.T., d'autres sont en Palestine, au Levant, au Maroc, en Algérie et en Tunisie. 

En juin 1919, les Armées de l'Est fournissent à l'Armée d'Orient au mois vingt-quatre bataillons de tirailleurs en vue de créer aux armées de Hongrie, du Danube et à la 122e D.I. (Constantinople) huit régiments de marche de tirailleurs. Suivant des directives ministérielles, ces vingt-quatre bataillons doivent être pris, groupés, dans huit régiments existant déjà en France ou sur le Rhin, transportés, et reformés sous de nouveaux numéros pour six d'entre eux, les deux autres conservant le leur. L'opération se traduit comme suit : 
- Pour l'Armée de Hongrie : les trois bataillons du 12e de marche forment le 16e de marche; les trois bataillons du 6e de marche 
forment le 18e de marche; les trois bataillons du 1er mixte forment le 19e de marche ; les trois bataillons du 17e de marche et les trois bataillons du 21e de marche gardent leur numéro.
- Pour l'Armée du Danube : les trois bataillons du 14e de marche
 forment le 22e de marche; les trois bataillons du 10e de marche forment le 23e de marche.
- A la 122e D.l., Constantinople, les trois bataillons du 11e de marche
 forment le 27e de marche. 

Par décision ministérielle du 10 décembre 1919, douze régiments organiques sont créés ou reformés : les 1er, 5e et 9e (Alger), 2e, 6e, 10e (Oran), 3e, 7e, 11e (Constantine), 4e, 8e, 12e (Tunisie). Au début de l'année 1920, ils totalisaient 123 bataillons répartis aussi bien en Algérie, au Maroc, en Tunisie, qu'à l'armée du Rhin, en Orient, au Levant ou même en France, dans les diverses unités de marche ou organiques. Au printemps de 1920, trois nouveaux régiments de marche sont formés (25e, 26e, 31e) avec des bataillons prélevés sur l'Algérie et dirigés sur l'Orient ou sur le Levant. 

Au 1er octobre 1920, on revient à des conceptions plus normales avec la dissolution des unités de marche et leur remplacement par des régiments autonomes (décret présidentiel du 10 juillet 1920). Au 31 décembre 1920, il existe 37 régiments comprenant un total de cent vingt bataillons. Douze régiments en Algérie et Tunisie, cinq au Maroc, neuf à l'Armée du Rhin, deux dans la Sarre, un à Constantinople, huit au Levant. 

Au cours de la grande guerre, la France fait en outre appel des travailleurs indigènes v. Décret du 14 septembre 1916 et instructions relatifs au recrutement de travailleurs indigènes en Algérie http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb339763242 

1921-1939

Entre 1921 et 1928, dix-sept régiments sont dissous. Les régiments stationnés en Algérie et Tunisie sont dorénavant numérotés de 1 à 12; les régiments stationnés hors de leur pays d'origine, mais dans le bassin méditerranéen conservent la série de 13 à 20. Les régiments stationnés en France sont numérotés à partir de 21, chacun d'eux était jumelé, pour la relève, avec un des régiments stationnés en Algérie-Tunisie, dont il prend le numéro augmenté de 20.  Ils deviennent Régiments de Tirailleurs d'Afrique du Nord en 1924 pour redevenir Tirailleurs Algériens et Tirailleurs Tunisiens en 1926, numérotés dans la même série, les RTT portant les numéros multiples de 4, leur régiment d'origine. Les Tirailleurs stationnent également régulièrement en France après 1918. 

La reconnaissance des français envers les célèbres Tirailleurs et Spahis algériens est à son appogée dans l'entre-deux-guerres, tandis que la France connait une première vague d'immigration, kabyle pour l'essentiel. Le 4e Régiment de Spahis Marocains de Senlis et le 6e Régiment de Spahis Algériens de Compiègne (1e Brigade de Spahis) forment de superbes escortes officielles et fantasias dans toute la France. En 1926 est inaugurée la grande Mosquée de Paris, en 1935 l'Hôpital franco-musulman de Bobigny (Hôpital Avicenne), en 1937 le cimetière musulman de Bobigny, ...

Des modifications mineures sont apportées au cours des années précédant le second conflit mondial.  Le 1er octobre 1936 est créé le 24e tunisiens. En 1936, la situation est la suivante : 1er R.T.A. Blida; 2e Mostaganem ; 3e Bône; 4e Sousse ; 5e Maison-Carré ; 6e TIemcen ; 7e Constantine; 8e Bizerte; 9e Miliana; 11e Sétif; 16e au Levant; 13e, 14e, 15e au Maroc; 21e Epinal; 22e Verdun: 23e Metz; 24e La Roche-sur-Yon ; 25e Sarrebourg; 27e Avignon; 28e Sathonay. Les régiments comprennent alors 2.500 hommes en moyenne dont 1/5 est représenté par l’encadrement français. Les tirailleurs sont alors à leur zénith, fournissant à la France une troupe nombreuse d’hommes fidèles. 

Après 1939

Il y a ainsi avant la mobilisation de 1939, 21 régiments (16 RTA et 5 RTT) dont 10 stationnés en métropole. La mobilisation amène l'effectif au chiffre de 32 formations avec la création de sept régiments algériens et deux tunisiens (17e, 18e, 19e, 29e, 31e, 33e, 35e et 12e, 32e). Les renforts envoyés en France à cette époque comprennent les 5e,11e, 17e, 18e, 19e et 31e RTA, les 4e, 8e et 20e RTT. Le 20e RTT et le 29e RTA sont envoyés en Syrie, les autres étant conservés en Afrique du Nord, la plupart à proximité de la frontière libyenne.

Lire >>> Les Tirailleurs durant la campagne de France 1939-1940 <<<

Durant la Seconde Guerre Mondiale, une troisième fois, ils viennent en métropole en 1939-1940, puis seront de tous les combats de libération, en Tunisie (1942-1943), en Corse (1943), en Italie (1943-1944), sur l'Île d'Elbe (1944), en Provence (1944), dans les Vosges (1944), en Alsace (1944-1945).

Après guerre en Indochine, plus particulièrement à la Bataille de Điện Biên Phủ en 1954. 

Les régiments de Tirailleurs Algériens (RTA) deviennent en 1958 « régiments de Tirailleurs » (RT), le « A » disparaissant. Les années 1963, 1964 et 1965 voient les dernières dissolutions des unités de Tirailleurs.

30 ans plus tard en 1994, à l'occasion du cinquantenaire de la Libération, est créé à Épinal, le 1er Régiment de Tirailleurs, détenteur des traditions des unités de Tirailleurs Algériens, Marocains et Tunisiens qui, de 1830 à 1965, se sont illustrés sur les théâtres d’opérations militaires du monde entier.
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- Le Livre d'Or des Tirailleurs Indigènes de la Province d'Alger, J.O., 1866
- Historique du 2e RTA, Lt Martin, 1894
- Historique du 3e RTA, Lt Darier-Chatelain, 1888

  

Organisation

Parmi les troupes issues de l'outre-mer (pour reprendre la terminologie officielle des années 1930), on distingue tout d'abord celles issues d'Afrique du Nord (Maroc, Algérie, Tunisie ; partie la plus importante de l'empire coloniale français, où sont affectés les deux-tiers des effectifs de l'outre-mer) qu'on appelle Armée d'Afrique et dont l'insigne est le croissant, de celles issues des colonies proprement dites (Afrique Noire, Indochine, ...) qu'on appelle les Troupes Coloniales et dont l'insigne est l'ancre de marine (encablée en sens inverse de celle portée par les marins).

Cette première distinction correspond au statut des territoires concernés, qui évolue à plusieurs reprises. Dans les années 1930 toujours, l'Algérie dépend du Ministère de l'Intérieur (depuis la création des 3 départements en 1848), les protectorats de Tunisie et du Maroc, les territoires du Levant sous mandat français dépendent du Ministre des Affaires Etrangères, toutes les autres possessions d'outre-mer et mandats dépendent du Ministère des Colonies.

On distingue ensuite les unités à recrutement indigène ; Tirailleurs, Spahis où l'encadrement et les spécialistes sont français, des unités à recrutement français ; Zouaves, Chasseurs d'Afrique. 

Là aussi, cette distinction correspond au statut des recrues concernées, les indigènes, contrairement à une idée reçue, ne possèdent pas la pleine nationalité française ; leur droit de vote est limité, l'accès à l'école, aux emplois publics, comme leur avancement dans l'armée, est restreint en droit et souvent aggravé dans les faits. En Algérie, les conditions d'admission au service et d'avancement des indigènes musulmans dans les armées, les fonctions et emplois auxquels ils peuvent être nommés relèvent de textes spécifiques.

 

La tenue historique

La tenue historique des tirailleurs dite « à l'orientale » remonte à la création des premières unités. Elle est officiellement adoptée par décision ministérielle du 14 février 1853 pour les trois bataillons de tirailleurs. Cet uniforme comprend une veste en drap de forme boléro de teinte bleu de ciel ou bleu céleste ou bleu tirailleur bordée d’un galon plat de laine jonquille de 12 mm de large. Le devant est orné d’une arabesque en galon jonquille de 12 mm terminée en trèfle. Le galon fait une boucle simulant une fausse poche (tombô) Les coutures s'ornent d'un cordonnet de couleur jaune qui forme pour le sous-officier de magnifiques chamarrures. Sur chaque devant, un galon jaune dissimule une fausse poche et remonte vers l'encolure en dessinant un trèfle. Cette fausse poche s'appelle tombô. 

La couleur du tombô servait à l'origine, à distinguer le recrutement et la localisation des régiments de tirailleurs : Garance (rouge) correspondait au 1er RTA d'Alger, blanc au 2e RTA d'Oran et jonquille (jaune) au 3e RTA de Constantine. En 1884, le bleu du fond de la veste sera attribé au 4e RTA de Tunisie. 

Le pantalon de couleur bleu ciel ou blanc selon la saison est ample, avec de nombreux plis à la taille qui lui donnent un aspect bouffant dans le bas. Il est orné d’un cordonnet jonquille sur les coutures du coté. 

La coiffure peut-être le chèche ; bande de tissu blanc enroulée autour de la tête, ou la chéchia ; sorte de calotte de feutre cramoisie identique à celui des zouaves et des spahis. 

La ceinture, longue bande de laine cramoisie (rouge foncé) qui permettait de protéger l'abdomen du froid et évitait ainsi les maux intestinaux. Pièce traditionnelle de la tenue des tirailleurs, elle est portée par les tirailleurs et les sous-officiers. Cette ceinture s'observait dans toutes les unités de l'armée d'Afrique. Elle se différenciait par sa teinte : "cramoisie", elle était la ceinture des troupes indigènes : tirailleurs et Spahis ; "bleue" elle était attribuée aux troupes de souche européenne : légion étrangère zouaves, ... Les officiers ne porte pas cette ceinture car ayant accès aux médicaments, il n'avait pas besoin de se protéger.

Cette tenue modifiée en 1879 va peu évoluer jusqu'à la première guerre mondiale. 

 

La Nouba

En plus de cette tenue particulière, les tirailleurs possèdent une musique originale, la Nouba avec son chapeau chinois (instrument de musique d'origine turque) et une mascotte qui marche en tête lors des défilés. Les tirailleurs, principalement recrutés parmi les pasteurs et les montagnards d'Afrique du Nord, étaient très attachés à la mascotte de leur régiment généralement un ovin, bélier, mouflon ou bouc, choisi pour la splendeur de ses cornes. Il était considéré comme un porte-bonheur. Avec ses qualités de détermination, de puissance et de virilité, cet animal symbolisait les qualités essentielles du guerrier.

Le 13e RTA en garnison en Allemagne entre 1953 et 1964 se dotera de tenues orientales pour équiper la nouba ainsi que de petits détachements d’honneur.
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Site du Musée de l'infanterie

   

Composition des Régiments de Tirailleurs Algériens en 1939 :

A la mobilisation, les Régiments de Tirailleurs Algériens s'articulent en théorie comme suit :
- un Etat-Major
- une Compagnie Régimentaire d'Engins
- une Compagnie Hors-Rangs
- trois ou quatre Bataillons à chacun trois Compagnies de Voltigeurs et une Compagnie d'Accompagnement
Depuis 1932, l'effectif des régiments à trois bataillons est de :
67 officiers dont 9 indigènes (13,4%)
317 sous-officiers dont 142 indigènes (44,8%)
2.167 hommes de troupes dont 1.836 indigènes (84,7%)
Total 2.558 hommes dont 1.878 indigènes (73,4%).


Les Tirailleurs Algériens furent à l'origine des fanions de bataillon et de compagnie. En effet, pour ces régiments, le drapeau restait à la portion centrale avec le colonel, et les compagnies étaient souvent isolées dans les petites localités du bled. De ce fait, les capitaines éprouvèrent le besoin d'avoir un emblème symbolisant l'unité; cette idée fut approuvée en haut lieu, et un texte du 20 janvier 1857 réglementa ces fanions qui étaient à la couleur du bataillon avec bordure et ornement aux couleurs de la compagnie, les ornements se limitant à une main accompagnée de quatre croissants, un dans chaque angle, le tout en drap découpé et cousu. Pas d'inscription, pas de frange, la hampe étant surmontée d'une simple boule de cuivre.

 

La Marche des Tirailleurs

Six canons balayaient la plaine, 
Crachant la mort sur nos lignards.
" Mes enfants, dit le Capitaine,
Faites-moi taire ces braillards ".
Cette réplique étant très nette,
Les Turcos froncent les sourcils,
Et puis au bout de leur fusil,
Ils ajustent leur baïonnette.

Les Turcos, les Turcos sont de bons enfants
Les Turcos, les Turcos sont de bons enfants
Mais ils ne faut pas qu'on les em...
Sans cela la chose est certaine 
Les Turcos deviennent méchants.
Ca n'empêch pas les sentiments,
Les Turcos sont de bons enfants. 

Les Turcos sont au moins cinquante
Et ces héros sont beaux à voir.
En mourant leur bouche plaisante:
Les Turcos sont des Français noirs.
Ils sautent dans l'herbe sanglante,
Allah ! ils grimpent à l'assaut,
Et quand ils arrivent en haut,
Les Turcos ne sont plus que trente. 

Alors sans tambour ni trompette,
On voit bondir nos tirailleurs,
En un moment la place est nette,
Il ne reste plus d'artilleurs.
Et quand ils cessent de se battre,
Les six canons se trouvent pris.
Mais eux tout sanglants et meurtris
Les Turcos ne sont plus que quatre

    
Les paroles de cette marche sont attribuées à Paul Déroulède (1846-1914) et sa musique fut harmonisée par François Menichetti du 13e Régiment de Tirailleurs Algériens en 1929. Elle relate l'exploit des « Turcos » à Froeschwiller le 6 août 1870. Les Tirailleurs du 2e Régiment de Tirailleurs Algériens chargèrent les canons prussiens et furent anéanti à 90%. Interprétation : Adolphe Maréchal (1867-1935). Source : Anthologie de la chanson française enregistrée 1900-1920.

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Autres version : Michel Roux (1924-1998)

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Autres chansons : 

Nos braves turcos - Krier et Helmer

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Sur l'air de la Retraite de Crimée :

       Gentil turco
       Quand autour de ta boule
       Comme un serpent s'enroule
       Le calicot
       Qui te sert de schako,
       Ce chic exquis
       Par les turcos acquis
       Ils le doivent à qui?
       A Bourbaki, à Charles Bourbaki...
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Marches Et Chants des Unités d'Infanterie, Les Tirailleurs Algériens
1er Régiment de Tirailleurs Algériens (Sur le site de la Fnac)

La Revue

Les clairons ont jeté leur fanfare aux échos 
En salut au drapeau dont la hampe s'incline 
Haut sur ses étriers, le chef qui les dominent 
D'un cris bref a figé mille coquelicots 
Des visages bronzés aux feux des siroccos 
Des yeux étincelants fixés sur l'étamine 
Des rubans cloutés d'or sur plus d'une poitrine 
Ce sont les tirailleurs, les lascars, les turcos 
Toujours prêt à servir sous les couleurs de France 
Les croix et les galons comme seule espérance 
C'est un seul coeur qui bat sous tous les boléros 
Joignant à la candeur des hommes de la terre 
L'atavique passion pour les jeux de la guerre 
Ce sont de grands enfants, ce furent des héros.

 

Prière pour nos frères musulmans

Nous venons vous prier Seigneur, pour des morts de l'Islam.
Ils étaient fils de ceux qui se sont tant battus, jadis,
De Charles Martel et Monseigneur Godefroy.
Le désert de Palestine se souvient encore
De l'envol des escadrons sous un soleil de feu,
Du choc des armures et du râle des hommes mourant illuminés
Par l'ardeur du combat ou l'ivresse de la lutte.
Le sable a bu le sang des vieilles hécatombes
Et les moissons ondulent dans la plaine de Poitiers.
Et voici qu'un jour, Notre-Dame de la Garde,
Vous dont le visage se tourne vers la terre d'Afrique,
Vous avez vu surgir à l'horizon de la mer,
Par les routes Ataviques,
L'escadre innombrables des nouveaux Croisés
Qui accouraient combattre l’hérésie nouvelle.
Les fils des Barbaresques sont morts pour que s’efface,
Des flancs pierreux de votre colline,
Jusqu'à la trace de la lèpre brune.
Et les Fils de France qui les menaient à la bataille
Ont, à votre bénédiction,
Humblement incliné leurs fanions victorieux.
Ils sont venus, Seigneur, des rives sarrasines
De votre méditerranée chrétienne.
Combien d'entre eux sont morts sur les routes de France,
Des cyprès de Provence jusqu'aux neiges du Rhin,
Si loin de cette terre où leur cœur était resté
Si loin des tentes noires et des ksour fauves.
De la montagne bleue et des oliviers tordus,
Du doux bruissement des palmes sous la brise du sud
Et de l’âpre chanson du vent.
Dans les branches puissantes des cèdres argentés.
Remplis du souvenir d'une lumière unique.
Leurs yeux se sont fermés aux brumes d'Occident.
Certes ils n'ont point admis la loi qui est la nôtre,
Mais ô merveille de charité !
Ils ont fait au pays chrétien l'offrande de leur simple vie
Et, lorsqu'un sort compatissant les libérait pour quelques heures
De la boue et du froid et de leur immense fatigue,
Du grondement des chars et du tonnerre des canons
Et de la hantise de la mort.
Ils nous accompagnaient d'un regard fraternel
Jusqu'à la porte de vos sanctuaires
Où nous allions vous supplier pour nous mêmes et pour eux.
Seigneur, dans votre infinie bonté,
Malgré notre orgueil et nos défaillances,
Si vous nous faites à la fin de nos épreuves
La grâce de votre béatitude éternelle,
Permettez que les durs guerriers de Berbérie,
Qui ont libéré nos foyers et apporté à nos enfants
Le réconfort de leur sourire,
Se tiennent auprès de nous, épaule contre épaule,
Comme ils étaient naguère sur la ligne de bataille
Et que, dans la Paix ineffable de votre Paradis,
Ils sachent. O qu'ils sachent Seigneur
Combien nous les avons aimés !

Chef de Bataillon Georges HUBERT
Commandant du 15e Tabor Marocain

Variante :

Prière pour les Tirailleurs

Ils sont venus, Seigneur, des rives sarrasines
De votre méditerranée chrétienne.

Combien d'entre eux sont morts sur les routes de France !
Ils ont fait au pays chrétien l'offrande de leur simple vie,

Remplis du souvenir d'une lumière unique,

Leurs yeux se sont fermés aux brumes d'Occident.

Seigneur, dans votre infinie bonté,
Si vous nous faites à la fin de nos épreuves
La grâce de votre béatitude éternelle,
Permettez que les durs guerriers de Berbérie,
Qui ont libéré nos foyers et apporté à nos enfants
Le réconfort de leur sourire,
Se tiennent auprès de nous, épaule contre épaule,
Comme ils étaient naguère sur la ligne de bataille
Et qu'ils sachent. ô qu'ils sachent Seigneur

Combien nous les avons aimés !
Ces bifins qui ont su tout endurer !


Les Tirailleurs durant la Grande Guerre | Tirailleurs africains - Éric Deroo | Historama HS n°10
Le musée de l'infanterie | 
Les Tirailleurs algériens, Razik Alex Menidjel


Les indigènes musulmans d'Algérie et le service militaire

La capitulation du Dey d'Alger, le 5 juillet 1830, ouvre une période d'occupation militaire durant laquelle les « indigènes » peuplant les « possessions françaises du Nord de l'Afrique » (l’appellation « Algérie » sera officialisée en 1839) conservent leur lien à l'Empire ottoman puisque, en droit international, à la différence de l’annexion, l'occupation d'un territoire maintient ses habitants dans leur nationalité. Ce traité garantit également que « La liberté des habitants de toutes classes, leur religion, leur propriété, leur commerce et leur industrie ne recevront aucune atteinte ». C'est sur le fondement de cet engagement initial à maintenir le statut personnel des habitants de l'Algérie que coexistent depuis 1830 des règles spécifiques aux « indigènes » à côté de celles propres aux Français.

L’ordonnance royale du 24 février 1834, octroie la qualité de français aux « indigènes » d'Algérie, désormais « placés sous la souveraineté directe et immédiate de la France » et marquerait une étape de l'annexion de l'Algérie par la France. Pour autant, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, les « indigènes » d'Algérie ne sauraient « jouir des droits de citoyen français ». Ils continuent à être régis par la loi musulmane (dont on ne retient généralement que la polygamie et la répudiation) ou par la loi mosaïque et non par le « Code civil des Français », qui détermine le statut des personnes (droits civils, nationalité, état civil, mariage, filiation, …), celui des biens (propriété, …), celui des relations entre les personnes privées (succession, contrats, obligations, société, …), ...

Les « indigènes » d'Algérie ne possèdent pas non plus les mêmes droits politiques que les Français (droit de vote, droit de se présenter à une élection, …) : le corps électoral indigène concerne un infime partie de cette population et pour certaines élections locales seulement (conseils généraux, conseils municipaux après 1848) sans pour autant être éligibles dans les institutions françaises (dont certaines possèdent un collège indigène), à côté desquelles il existe des institutions indigènes (voir ci-dessous).

En matière pénale, des infractions spécifiques à « l'indigénat », échappant au juge judiciaire, s'ajoutent à celles prévues pour les Français et les indigènes. Ces infractions spécifiques, établies par les militaires à partir de 1830, sont formalisées dans les années 1870 : « arrêté général sur les infractions de l'indigénat » du 9 février 1875, puis généralisées : loi du 28 juin 1881 « qui confère aux administrateurs des communes mixtes en territoire civil la répression, par voie disciplinaire, des infractions spéciales à l'indigénat » (La commune mixte, avec son administrateur nommé, est un des trois régimes municipaux de l'Algérie. Les deux autres sont la commune indigène et la commune de plein exercice, dont l'organisation, le fonctionnement et les attributions sont comparables à ceux d'une commune métropolitaine avec son conseil municipal élu).

Le sénatus-consulte du 14 juillet 1865 sur l'état des personnes et la naturalisation en Algérie confirme que « l’indigène » musulman ou israélite
« est Français ; néanmoins il continuera à être régi par son statut personnel.
Il peut être admis à servir dans les armées de terre et de mer.
Il peut être appelé à des fonctions et emplois civils en Algérie.
Il peut, sur sa demande, être admis à jouir des droits de citoyen français ; dans ce cas il est régi par les lois civiles et politiques de la France ».

Mais les naturalisations sont rares et les français d'Algérie obtiennent finalement l'abrogation de ce texte par les décrets Crémieux du 24 octobre 1870, qui déclarent citoyens français les seuls israélites indigènes d'Algérie. Enfin, la loi du 26 juin 1889, rétablissant le droit du sol, n'est pas étendue aux indigènes musulmans et seuls les « étrangers » deviennent alors citoyens français à part entière. 

Jusqu'en 1912, les « indigènes » ne sont recrutés que par engagement volontaire. Les « indigènes » musulmans d’Algérie, population la plus nombreuse, possèdent en effet une nationalité française sans citoyenneté ; leur droit électoral est limité, l'accès à l'instruction, aux emplois publics et militaires est restreint en droit et aggravé dans les faits. Ils ne doivent pas en contrepartie le service militaire, seuls les français jouissant des droits inhérents à leur état de citoyens ont le devoir et l’honneur d’en supporter les charges. Le recrutement des indigènes dans l'armée française n'est donc possible que sur la base d'un engagement volontaire.

Certains représentants des indigènes font de la conscription un combat pour l’égalité des droits politiques : on ne peut demander aux indigènes de verser leur sang et de servir la France sans leur reconnaître à terme la citoyenneté 

Ces belles théories résistent mal devant la nécessité d'envoyer des troupes plus nombreuses au Maroc et préparer une guerre contre l'Allemagne. Par Décret du 3 février 1912, le gouvernement français impose le service militaire aux indigènes musulmans d’Algérie non naturalisés afin de compléter par la conscription les contingents fournis par les engagements volontaires trop faibles dans le contexte de l'époque. La conscription contribue à la création de cinq nouveaux régiments de Tirailleurs (loi du 23 décembre 1912). 

Le décret de 1912 met en place le recrutement par tirage au sort d'un contingent fixé chaque année en fonction des besoins pour chaque commune et tenant compte des engagements volontaires (au total environ 20% d’une classe d’âge pour les indigènes contre environ 80% pour les français). Le système inégalitaire du tirage au sort a été abandonné par la loi du 21 mars 1905 pour les français. 

En septembre 1916, une série de Décrets augmentera le contingent des indigènes et prévoira le recrutement par réquisition ... pour envoyer en France des soldats au front et de la main d'oeuvre aux usines de guerre ou dans les champs (Service de l'Organisation des Travaileurs Coloniaux). Près de 80 000 travailleurs et 175 000 soldats algériens sont envoyés en France entre 1914 et 1918, près de 36.000 de ces derniers (20%) sont morts pour la France (les musulmans en Algérie étaient 4,8 milions en 1914). 

La durée du service actif des indigènes musulmans est à l’origine en 1912 de trois ans plus sept ans de réserve, alors que les français effectuent depuis la loi du 21 mars 1905 (loi Jourdan-Delbel), un service actif d'une durée de deux ans. Modifiée à plusieurs reprises après 1912, la durée du service militaire restera souvent plus longue pour les indigènes ; la loi du 7 août 1913 portant à 3 ans la durée du service actif pour les français établit l’égalité avec les indigènes jusqu’au Décret du 28 septembre 1923 (Loi du 1er avril 1923) réduisant à 18 mois la durée du service actif pour les français, contre 24 mois pour les indigènes. La loi du 31 mars 1928, réduisant à 12 mois la durée du service militaire pour les français, ne s’applique pas au indigènes, qui continuerons à faire 2 ans de service actif. L’égalité est rétablie par la Loi du 17 mars 1936 allongeant à 2 ans le service actif pour les seuls français ... 

Egalement, les appelés indigènes ont, au point de vue de la solde, le même traitement que les engagés volontaires indigènes et ont droit à une prime d'incorporation mais pas à la retraite proportionnelle. On reproche à ces dispositions de faire des indigènes « des mercenaires et non des conscrits ». 

Enfin, le fonctionnement et l'organisation du service militaire des indigènes, incorporés à 19 ans au lieu de 20 pour les français, sont fixés par des textes spécifiques limitant leur accès à certains corps de troupe ou spécialités, grades avec des conditions d’avancement moins favorables qui leur sont propres ... 

Si le gouvernement français demande en 1912 aux indigènes l’acceptation du service militaire obligatoire « avec le loyalisme dont ils ont donné maintes fois les preuves », les élus indigènes souhaitent en échange « une représentation sérieuse et suffisante dans les assemblées de l’Algérie et de la métropole », demande qui n'aboutira qu'à de maigres réformes après chacun des deux conflits mondiaux (égalité de la solde en août 1943). 

Ce service militaire spécifique aux indigènes d’Algérie demeurera dans son principe jusqu'en 1962 et l’égalité de la durée du service militaire pour les indigènes et les français comme l’admission des indigènes dans tous les corps de troupe, grades et spécialités ... resteront toujours des revendications déçues des indigènes envers la France.

Le décret de 1912 organisant le recrutement des indigènes algériens n'a pas d'équivalent pour les tunisiens ou les marocains qui s'engagent dans l'armée française uniquement comme volontaires. Ainsi s'expliquent par exemple les effectifs en 1942-1943 ; en Algérie, 134.000 Indigènes appelés et engagés sur une population totale de 6.274.000 habitants, soit une proportion de 2,136%. En Tunisie, 26.000 engagés sur une population totale de 2.395.000 habitants, soit une proportion de 1,089%. Au Maroc, 73.000 engagés sur une population totale de 6.060.000 mille habitants, soit une proportion de 1,205 %. Européens d'Afrique du Nord appelés en Algérie, Tunisie et Maroc 185.000 hommes sur une population totale de 1.125.000 soit une proportion de 16 %.

Le recrutement en Algérie, Maurice Bel

Lire Guy Pervillé - La représentation parlementaire des indigènes algériens ... 1912-1962

‏L'Algérie révélée: la guerre de 1914-1918 et le premier quart du XXe siècle, Gilbert Meynier

Les Musulmans algériens dans l'armée française, 1919-1945, Belkacem Recham

http://books.google.fr/
 

Poinrt de vue opposé

Qu'est-ce qu'un tirailleur pour un nord-africain ? Un individu qui se met plus ou moins volontairement au service de la puissance coloniale afin d’en tirer profit. Au service de la France, les tirailleurs ont en effet contribué à la pénétration coloniale dans les différentes régions africaines. Pour le le profit, comme des mercenaires, ils percevaient solde et avantages pour leur famille, mais certains faisaient après 1912 en Algérie de la conscription un combat pour l’égalité des droits : on ne peut demander aux indigènes de verser leur sang et de servir la France sans leur reconnaître à terme les mêmes droits : citoyenneté française ou indépendance ?

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