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Ante hoc, ergo
propter hoc
1940
n'échappe pas
à la règle, les historiens ont tendance
à analyser une suite
d’événements à
la lumière de leur issue.
Ante hoc, ergo propter hoc (à la suite de, donc à cause de) est un sophisme, un paralogisme ou un biais cognitif consistant à prendre pour la cause ce qui n'est qu'un antécédent et prétendre que si un événement suit un autre alors le premier est la cause du second. La
défaite n’était pas
inéluctable
Que n'a-t-on pas écrit pour expliquer en quoi la défaite de 1940 était inéluctable, pour expliquer la défaite par l’évolution historique de la France dans l’entre-deux-guerres, pour signifier que c’est dès 1919 que la France aurait glissé vers la défaite. Les historiens de la défaite analysent pour la plupart ante hoc une suite d’événements à la lumière de leur issue, pour démontrer qu’avant l’affrontement militaire la France avait accumulé « des batailles perdues dans la diplomatie, la démographie, l’économie, le réarmement : c’était beaucoup de défaites avant que la parole eût été donnée aux armes ». Ces causes profondes auraient meneés la France de « la décadence à l’abîme » : « Les Français sont entrés dans la guerre le 3 septembre 1939 et, pour ce peuple pacifique, c’est déjà une défaite morale. La défaite matérielle s’ensuivra, moins de neuf mois après . » Trois types d’arguments ont été utilisés : certains, factuels, d’autres purement polémiques et enfin militaires. Arguments de fait : l’inégalité démographique entre la France et l’Allemagne, l’affrontement entre un régime totalitaire, prêt à tout pour vaincre, et un régime démocratique faible, a fortiori celui de la IIIe République, avec des gouvernements instables, incapables de mener une politique sur la durée, la contradiction entre une politique militaire défensive symbolisée par la ligne Maginot et une politique étrangère consistant à vouloir contenir l’Allemagne nazie par des accords avec les Etats d’Europe centrale et orientale sans pouvoir venir en aide à ces pays en l'absence de force d’intervention extérieure : cas tchèque en 1938 et cas polonais en 1939. Arguments purement polémiques dans les deux sens : certains mettent en cause les gouvernements du Front populaire, accusés de n’avoir pas mené une politique de réarmement à la hauteur de ce qui aurait été nécessaire face à l’ennemi, d’avoir même démobilisé l’effort français par l’institution des 40 heures et la nationalisation des usines d’armement. Bref, si la France a été vaincue, c’est parce que le Front populaire n’a pas assez équipé l’armée française par antipatriotisme et conviction idéologique pacifiste. D’autres mettent en cause la trahison des classes possédantes qui auraient, par haine de la gauche et du Front populaire, favorisé la victoire de l’Allemagne nazie, régime vers lequel allaient leurs faveurs. « Les hitlériens n’étaient pas en somme si méchants qu’on affectait de les peindre, on s’épargnerait sans doute plus de souffrances en leur ouvrant toutes grandes les portes qu’en s’opposant par la violence à l’invasion . » Les travaux de la commission d’enquête parlementaire et les procès de l’épuration ont invalidé le rôle des complots d’extrême gauche ou d’extrême droite poussant au défaitisme. Ces facteurs n’ont donc probablement pas été déterminants. Arguments militaires à considérer avec plus d'attention : tous les auteurs rejoignent l’analyse de Marc Bloch et de Gaulle, selon laquelle les causes immédiates de la défaite ont été techniques et ont tenu à la carence de la doctrine militaire et aux insuffisances de la préparation et de l’équipement de l’armée. Ces arguments tendent à montrer que la défaite n’était pas inéluctable. Ils concernent le rôle des combattants, les stratégies des deux belligérants et l’infériorité des forces françaises par rapport aux forces allemandes. Les combattants On a souvent invoqué l’absence de combativité des soldats français qui se seraient effondrés sans combattre, voire qui auraient fui devant l’ennemi. Il a pu y avoir des actes de désespoir de la part des fantassins confrontés à la fois aux blindés et aux stukas allemands, mais on a pu constater par ailleurs que les Français se sont bien battus en Belgique, et pour défendre le territoire, sur l’Oise, l’Aisne, la Somme. On peut citer les combats de La Horgne, où les spahis firent preuve de sang-froid, et de Stonne, dans les Ardennes, la contre-attaque sur Abbeville menée le 28 mai par la 4e DCR du général de Gaulle, la défense de la Loire par les cadets de Saumur, sans parler de la résistance des équipages de la ligne Maginot. Sur l’ensemble du front, les forces françaises enregistrent environ 65 000 morts en cinq semaines (auparavant d’autres estimations faisaient état de 100 000 pertes). Les stratégies Ce qui frappe est la rapidité de la défaite française, comme si une armée considérée comme la plus forte du monde avait été mise hors de combat dans un duel inégal. On l’a interprété comme la preuve du succès d’une armée ultramoderne sur une armée vieillotte ; on y a vu la victoire de la guerre éclair menée par la Wehrmacht opposée à l’absence de stratégie française. L’idée selon laquelle l’armée allemande était ultramoderne et entièrement motorisée est une légende ; à côté d’une armée bien équipée, on trouve chez les Allemands, comme dans l’armée française, des divisions mécanisées ou motorisées et des divisions équipées d’armements anciens et largement hippomobiles. Karl-Heinz Frieser a démontré avec brio que la guerre éclair était une invention journalistique, ou plutôt que cette stratégie, qui a si bien réussi, n’avait été ni prévue ni conçue comme telle. La campagne de 1940 menée par l’armée allemande ne ressemble ni de près ni de loin à une guerre éclair ; c’est une opération qui ressort du domaine militaro-tactique et non stratégico-politique, fondée sur un des ressorts essentiels de l’art de la guerre : la surprise. C’est une campagne d’infanterie qui a failli échouer. En effet, l’idée centrale du plan allemand est celle d’une manœuvre d’enveloppement par la Belgique et d’une attaque surprise en passant par les Ardennes. La France de son côté adopte une stratégie de guerre longue, une doctrine défensive, symbolisée par la ligne Maginot, parfaitement cohérente avec sa situation démographique et politique : éviter que ne se renouvelle l’hémorragie de la Grande Guerre. Elle consiste à attendre qu’asphyxiée par le blocus l’Allemagne puisse être envahie ou soit contrainte à négocier. Cette stratégie s’appuie sur l’idée que nos frontières de l’est sont protégées : au nord, par la Belgique, qui a déclaré sa neutralité en 1936 ; sur le Rhin, par la ligne Maginot ; et à la jointure des deux, par un massif montagneux réputé infranchissable. Pétain comme Gamelin sont des partisans inconditionnels de cette guerre défensive. La campagne de 1940 a été prévue comme une guerre longue, semblable à la Première Guerre mondiale, et non comme une guerre courte. Et la ligne Maginot est conçue comme un obstacle sur lequel s’appuyer afin de gagner du temps et de déployer une guerre de manœuvre. Mais l’adversaire allemand ne se comporte pas comme prévu. Il recourt à une puissance de combat irrésistible au moment décisif et au point le moins bien défendu. Lorsqu’on avait fait la remarque de la moindre mise en défense du secteur des Ardennes, Pétain avait répondu que les Allemands ne s’aventureraient pas dans ce secteur et que, s’ils le faisaient, on les repincerait à la sortie. Quant à Gamelin, il pensait à une bataille en Belgique et estimait que l’obstacle des Ardennes et de la Meuse suffirait à dissuader l’armée allemande. Cependant, la percée de Sedan a bien lieu : elle est réalisée par trois groupes francs qui, par l’intégration d’innovations technologiques comme le char, l’avion et la radio, réussissent à disqualifier tout le dispositif français. Un mythe à la peau dure :
pourquoi la défaite française de 1940
n'était pas si "inéluctable" que cela
Pétain
encore
Après l'erreur de la moindre mise en défense du secteur des Ardennes, sur laquelle Pétain avait répondu que les Allemands ne s’aventureraient pas dans ce secteur, erreur sur laquelle Gamelin établit sa bataille en Belgique, le même Pétain néglige la possibilité qu’avait la France de continuer la lutte. Les forces allemandes ont en effet subi en mai-juin 1940 des pertes journalières supérieures à celles observées dans l’opération Barbarossa et elles étaient en réalité dans une situation périlleuse sur le plan logistique lors de l’Armistice. Un rapport de Guderian transmis à l’OKH début octobre 1940 indique que les forces allemandes engagées en France avaient besoin de 4 à 6 semaines d’arrêt avant de reprendre l’avancée vers le sud : -
État du carburant : 15 % des besoins.
- État des munitions : 17 % des besoins. - État des transport par camions : 25 % à 30 % du nombre requis. Dans ces conditions, on aurait pu ralentir l’avance allemande suffisamment longtemps pour que les forces françaises puissent se replier en Afrique du Nord. Mais sans défaite, pas de collaboration pétainiste ... Pétain
n’est pas le vainqueur de Verdun
Le retour de l'encombrant survivant aux affaires le 18 mai 1940 est en réalité loin d'être une bonne nouvelle. Juste une façade rassurante. A y regarder de plus près, en 1918, son pessimisme le conduit - déjà - à se montrer favorable à une paix blanche avec l'Allemagne à l'instar de son protecteur Caillaux, président du Conseil, arrêté en janvier 1918 pour intelligence avec l'ennemi. Clémenceau succède alors à Caillaux et Pétain est écarté au profit de Foch. La formule de Clémenceau « à coup sûr pas un sauveur », à propos de Caillaux convient également à son protégé. L'affirmation tant de fois été répétée du grand soldat de l'autre guerre ne va en effet nullement de soi.
L'intéressé entretient
tout d'abord depuis 1916 une
version
déformée de son action réelle
à Verdun. Joffre
écrit dans ses
Mémoires en 1932 à propos de
la cérémonie du 13 septembre 1916
(Verdun
reçoit la Légion d’honneur et la Croix
de guerre et
Nivelle la plaque de Grand Officier de la Légion d'honneur)
:
« Si l'histoire me
reconnaît
le droit de juger les généraux qui
opérèrent sous mes ordres, je tiens à
affirmer que le vrai
sauveur de Verdun fut Nivelle, heureusement
secondé par Mangin. Le
général
Pétain arrivé à Verdun au moment de la
désorganisation dont il héritait du
général Herr, remit de l'ordre avec l'aide d'un
état-major bien composé, et au moyen de troupes
fraîches qui affluaient. Ce fut là son
mérite, dont je ne méconnais pas la grandeur.
Mais dans la conduite de la bataille et particulièrement au
moment de la crise de juin, le rôle le plus important a
été joué par Nivelle qui eut le
mérite rare de s'élever au-dessus de son champ de
bataille, de comprendre ce que j'attendais de lui dans l'ensemble de
mes combinaisons, et de garder intacts son sang-froid et sa
volonté au moment où son chef adressait au
ministre de la Guerre les comptes rendus angoissés dont j'ai
parlé à plusieurs reprises. » (Les Mémoires de
Joffre, 1932 Clémenceau,
president du conseil de 1917 à 1920, décédé
en 1929, résume
ainsi
la valeur militaire
discutable de l’intéressé
: « [Pétain] n'a pas d'idées, il n'a
pas de cœur, il est toujours sombre sur les
événements, sévère sans
rémission dans ses jugements sur ses camarades et sur ses
subordonnés. Sa valeur militaire est loin d'être
exceptionnelle, il a dans l'action une certaine timidité, un
certain manque de cran. [...] C'est un administrateur plus qu'un chef.
À d'autres, l'imagination et la fougue. Il est bien
à sa place si, au-dessus de lui, se trouvent des hommes pour
décider en cas grave. » Et
parmi les diverses
illustrations de son pessimisme légendaire, on trouve certes
la directive n°4 du 23 décembre 1917,
prévoyant le repli sur
la deuxième ligne avant l'offensive allemande du printemps
1918, qui permit à nos troupes d'éviter de se
faire masacrer sur la première ligne, précaution
prise en application des prinipes de la bataille
conduite ... de Foch.
Mais au
pire moment de la Grande Guerre, lors de
l’attaque allemande de mars 1918, le « général
Pétochard », repliera
précipitamment son QG de plus de cent
kilomètres vers le sud, de Compiègne à
Provins, laissant la brèche s’ouvrir
dangereusement devant Amiens entre les armées britanniques
au nord et françaises au sud, prophétisant
alors à Clémenceau : " Les allemands batrront les
anglais en rase campagne ; après quoi, ils nous battront
aussi". Et encore à Loucheur (Ministre de
l'Armement de Clémenceau) : " Il faudrait entamer des
pourparles de paix ".
Mémoires de
Poincarré. Il avait alors fallu la
volonté de Clémenceau et la
désignation de Foch pour finalement réussir
à bloquer l'offensive allemande. Verdun, c'est
Nivelle et Mangin
Nivelle et Mangin, vainqueurs de Verdun
Verdun, c'est
Charles de Tricornot de Rose
Charles de Tricornot de Rose nettoie le ciel de Verdun
Le
Mémorial de la Shoah
annonce en 2019 qu'il envisage à son tour d'en finir avec la
notion
de « Régime de Vichy ». Cette intention
du directeur du Mémorial reste toutefois soumise
à validation d'un conseil scientifique. Mais pour
Frédéric Aguilera, cette annonce constitue d'ores
et déjà « une étape
importante et symbolique » dans la lutte engagée
de longue date pour la fin des amalgames permanents entre Vichy et la collaboration
pétainiste, qui semble une formule plus
adaptée. Ce qu'il y a à rappeler c'est que l'encombrant survivant de la Grande Guerre a
été le dictateur d’une France occupée et l’incarnation d’un régime qui
s’est criminellement compromis avec les nazis. Ces termes sont pesés et plus descriptifs de ce qui a été.
Pétain
livre dès le 20 juin 1940 ses causes de
notre défaite : "Trop
peu d'enfants, trop peu
d'armes, trop peu d'alliés". "Le peuple français ne
conteste pas ses erreurs". Remettant à plus tard la
leçon des batailles perdues et pour cause. "Depuis
la
victoire, l'esprit de jouissance l'a emporté sur l'esprit de
sacrifice. On a revendiqué plus qu'on a servi. On a voulu
épargner l'effort on rencontre aujourd'hui le
malheur".
Mick
Jackson décrit fidèlement la situation paradoxale
dans laquelle s’est retrouvée en 2000
l’historienne Deborah Lipstadt, obligée de prouver
dans un tribunal l’existence des chambres à gaz. Le juge fonde finalement sa conviction
en retenant " Une
falsification de l'histoire au service d'une
idéologie ". Enregistrées à leur insu pendant la guerre, les conversations des soldats allemands se révèlent accablantes. ... Il est notamment stupéfiant de noter les discussions entre soldats se déclarant entre eux comme antinazis. Ils critiquent Hitler et ses proches. On pourrait attendre d'eux qu'ils dénoncent aussi la politique antisémite du IIIe Reich. Pas du tout. Ainsi, un soldat qui dénonce «Hitler pour ses actes de violence avec sa SA, ses SS», peut, dans la même discussion, ajouter: «Il y a eu beaucoup de bonnes choses, je l'admets. Avec les Juifs, ça, c'est correct. La question de la race, je ne trouve pas ça mal du tout.» Soldats. Combattre, tuer, mourir. Procès-verbaux de récits de soldats allemands, de Sönke Neitzel et Harald Welzer, traduit de l'allemand par Olivier Mannoni, Gallimard
Si la campagne militaire de
mai-juin 1940 a été brève, elle
n’en a pas moins été marquée
par un niveau de violence élevé. Pourtant, le
caractère aussi soudain qu’inattendu de la
défaite alliée, tout autant que la propagande et
les enjeux mémoriaux (ou au contraire une certaine
forme d’amnésie), ont longtemps
contribué à brouiller la perception de la
violence subie par les vaincus. En France tout
particulièrement, les chiffres des pertes militaires ont
été assez largement surestimés tandis
que les destructions matérielles dans les
départements du Nord et de l’Est ne semblent pas
avoir été perçues dans toute leur
ampleur. Quant aux violences subies par les populations civiles, elles
se sont trouvées reléguées loin
derrière l’Exode et largement
résumées – dans la mémoire
sociale du moins – aux bombardements des villes (notamment
celui de Rotterdam le 14 mai qui a provoqué plus de 800
morts) et aux mitraillages des colonnes de
réfugiés par l’aviation allemande.
Pourtant, ces dernières formes de violence sont sujettes
à débat quant à l’intention
des acteurs : les destructions et pertes humaines peuvent en effet
dépasser les résultats escomptés,
être le produit de dommages collatéraux ou
d’erreurs d’identification. Au demeurant,
l’action ultérieure de l’aviation
alliée peut tout autant prêter à
critique (bombardements des cités du Reich, mitraillage de
réfugiés fuyant les combats lors de la bataille
de Normandie, bombardement du Havre en septembre 1944,
etc.). André Coillot, Mai 1940, un mois pas comme
les autres,
Arras, s. n., 1980 ; Kléber Deberles, 1940,
(...) Commissie voor oorlogsmisdaden, De oorlogsmisdaden
bedreven gedurende
de bezetting van het Belgisch (...) Ainsi, les exactions commises en 1940
par les forces terrestres
allemandes n’ont laissé –
au-delà de l’espace étroit des communes
et régions concernées – que peu de
traces dans les souvenirs ou l’historiographie
liés à cette période. Ce constat vaut
d’ailleurs tout autant pour les crimes commis à
l’encontre des soldats alliés.3 Aussi cette
communication se donne-t-elle pour but d’évoquer
les exactions commises par les forces armées allemandes lors
de la campagne du printemps 1940, en circonscrivant
l’étude aux seules troupes de combat au sol
d’une part, d’autre part en se focalisant sur les
exécutions sommaires de civils et de prisonniers de guerre
alliés perpétrées sur le territoire
français – de loin le plus touché par
ce phénomène, même si la mise
à mort de 86 habitants de Vinkt le 27 mai
démontre que la Belgique n’a pas
été totalement épargnée.
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