17 octobre 1961 : mémoire populaire contre mémoire d'État
LE PLUS. Dans les mois qui ont suivi la répression sanglante de la manifestation de "Français musulmans d’Algérie", en octobre 1961, l'État a cherché à dissimuler les faits. Dans les années qui ont suivi, à les oublier. Et aujourd'hui encore, une reconnaissance nationale se fait attendre explique l'historien Mickaël Bertrand.

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La mémoire officielle en rupture avec la mémoire populaire

Depuis, la thèse officielle de l’État français a été sérieusement écornée. La disparition mystérieuse de certaines archives rend difficile l’évaluation précise des victimes, mais l’on sait désormais qu’elles se comptent en plusieurs dizaines, et non pas à trois comme les autorités l’ont prétendu depuis 1961.

Ces dernières années, de nombreux élus ont d’ailleurs rendu hommage à ces victimes trop longtemps oubliées. Des cérémonies sont régulièrement organisées et des plaques commémoratives ont été apposées comme à Paris en 2001 au Pont Saint Michel d’où furent jetés à la Seine tant d’Algériens.

Pour le cinquantième anniversaire de ce tragique évènement, tout le monde attendait un geste de la part de l’État, en vain. Le gouvernement n’a visiblement pas souhaité officialiser la reconnaissance nationale par sa présence ou par une déclaration au cours de cette journée.
 
L’actualité n’étant décidément pas très favorable au gouvernement, ce silence est d’autant plus regrettable qu’il s’inscrit dans la continuité d’une décision de justice (en réponse à une demande du ministère de l’Intérieur) interdisant l’accès à un site Internet visant à lutter contre les violences policières.

Une nouvelle question mémorielle pour la présidentielle

A seulement quelques semaines de l'élection présidentielle, on peut difficilement ne pas interpréter ce silence comme un signe politique fort. Les candidats socialistes ne s’y sont d’ailleurs pas trompés. En pleine campagne pour les primaires, les deux finalistes ont signé un appel pour la reconnaissance du 17 octobre 1961 alors que Nicolas Sarkozy préférait s’auréoler de sa dimension internationale en appelant la Turquie à "revisiter son histoire" concernant le génocide arménien.

La réponse de la Turquie ne s’est pas fait attendre : "Il serait mieux, pour la sérénité en France, en Europe et dans le monde, que M. Sarkozy abandonne le rôle de l'historien et se creuse un peu la tête pour sortir son pays du gouffre économique dans lequel il se trouve et produise des projets pour l'avenir de l'Union européenne".

A défaut, on peut aussi lui proposer de s’intéresser à l’histoire de France.

SÉLECTIONNÉ PAR LE NOUVELOBS




POLITIQUE

Au pont de Clichy, Hollande rend
hommage aux Algériens morts en 1961

LEMONDE.FR | 17.10.11 | 17h00


François Hollande, accompagné du maire d'Asnières, Sébastien Pietrasenta, rend
hommage aux Algériens jetés dans la Seine en 1961, sur le pont de Clichy-
la-Garenne, le 17 octobre 2011. AFP/PATRICK KOVARIK

Au lendemain de son élection au second tour de la primaire, François Hollande a rendu hommage aux Algériens morts lors de la manifestation du 17 octobre 1961 : le candidat socialiste à la présidentielle a déposé une gerbe, lundi 17 octobre, à 11 heures, au pont de Clichy, où des Algériens furent jetés à la Seine, il y a cinquante ans, par des policiers.

Au cours de cette manifestation appelée par la Fédération de France du FLN, qui protestait contre le couvre-feu imposé par le préfet Maurice Papon aux "Français musulmans d'Algérie", environ une centaine d'Algériens qui défilaient pacifiquement dans les rues de Paris ont été tués par la police. Certains ont été roués de coups, d'autres noyés dans la Seine, d'autres encore tués par balles.


François Hollande, qui était accompagné de l'historien Benjamin Stora et de son conseiller Faouzi Lamdaoui, a expliqué qu'il avait prévu depuis longtemps d'être présent à ce rendez-vous. "Je voulais être là, fidèle à la promesse que j'avais faite. Je suis venu témoigner de ma solidarité aux enfants, petits-enfants de ces familles endeuillées par ce drame", a-t-il déclaré.

"CET ÉVÉNEMENT A ÉTÉ OCCULTÉ"

Autour de M. Hollande étaient présents les maires PS de de Clichy-la-Garenne, Gilles Catoire, et d'Asnières-sur-Seine, Sébastien Pietrasanta. Le candidat du PS pour la présidentielle a jeté des fleurs dans la Seine en hommage aux victimes, relevant que "trop longtemps cet événement a été occulté des récits historiques". "Il est important de rappeler ces faits", a-t-il dit encore.

Le geste de François Hollande intervient le jour du 50e anniversaire du 17 octobre 1961, alors que la mémoire de cet événement commence à revenir. Une plaque commémorative a été inaugurée au pont de Clichy, une autre au pont de Bezons (Val-d'Oise) et une place doit être baptisée "17 octobre 1961" au Blanc Mesnil (Seine-Saint-Denis).

Une manifestation organisée par le collectif "17 octobre 1961-17 octobre 2011" devrait en outre partir lundi soir, à 18 heures, du cinéma Le Rex, à Paris, où de nombreux Algériens furent tués en 1961. Enfin, une cérémonie de commémoration du cinquantenaire a eu lieu, à midi, devant la plaque apposée en 2001 par le maire de Paris, Bertrand Delanoë, sur le pont Saint-Michel.

"LA VÉRITÉ EST EN MARCHE"

A l'occasion de ce 50e anniversaire, nombre d'associations, d'historiens et de militants de la mémoire demandent que les plus hautes autorités de l'Etat reconnaissent le drame qui s'est produit ce jour-là. "Cinquante ans après, la vérité est en marche, écrit ainsi le comité 17 octobre 1961-17 octobre 2011, Vérité et justice. Cependant, la France n'a toujours pas reconnu sa responsabilité dans les guerres coloniales qu'elle a menées – en particulier la guerre d'Algérie – non plus que dans le cortège de drames et d'horreurs qu'elles ont entraînés, comme ce crime d'Etat du 17 octobre 1961. Certains osent encore aujourd'hui continuer à parler des 'bienfaits de la colonisation', célébrer le putsch des généraux à Alger contre la République et le pouvoir encourage les nostalgiques de l'Algérie française et de l'OAS."

En 1997, lors du procès de Maurice Papon, à Bordeaux, les morts du 17 octobre 1961 étaient revenus dans la mémoire collective : Jean-Luc Einaudi, auteur de La Bataille de Paris (Seuil, 1991), était venu témoigner à la barre à la demande des parties civiles. A l'époque, le gouvernement de Lionel Jospin avait décidé d'ouvrir les archives afin de faire la lumière sur les violences policières mais aucun discours n'avait été prononcé sur la responsabilité de la France.

Depuis, une plaque a été apposée par le maire de Paris, Bertrand Delanoë, mais aucun représentant des plus hautes autorités de l'Etat n'a jamais évoqué publiquement la responsabilité de l'Etat dans les morts du 17 octobre 1961.

Anne Chemin



Lettre à Sarkozy

... cette reconnaissance "permettra enfin d’avancer réellement vers la pleine réconciliation entre les peuples français et algérien, essentielle pour bâtir de nouvelles relations tournées vers notre avenir commun".